Quoi de plus déprimant que d'avoir vu le jour dans une famille de bourges ? Franchement, pour l'avoir vécu je peux l'affirmer : rien ! Rien n'est plus blasant que de faire parti de cette famille aux allures parfaites qui donne à tous l'illusion du bonheur sans tâches, alors qu'au fond on sait que Papa trompe Maman avec deux ou trois pauvres niaises qui travaillent avec lui, et que Maman se choute pour garder le moral... Voilà l'envers du décor, c'est pas vraiment glorieux. Mon père, je ne l'ai pas tellement connu, toujours absent pour diverses raisons : voyages professionnels, soirées passées au boulot, nuit à l'hôtel avec telle ou telle femme qu'il payait ou non. Finalement ce n'était pas plus mal et je ne pense pas avoir souffert de son absence, mes quatre frères et sœurs non plus d'ailleurs et heureusement parce que je lui en aurais probablement voulu s'ils avaient souffert, protecteur comme je suis. Bref, j'ai débarqué sur cette terre il y a déjà trente-et-un ans, le temps passe vite... Enfin, il passe plus vite depuis que j'ai fui mes parents à l'âge de vingt ans, période où je suis sorti avec celle qui allait devenir ma femme peu après, sa simplicité et sa joie de vivre qui contrastaient avec ce que j'avais toujours connu ne pouvaient que me plaire... Mon père n'approuvant pas cet union - qu'il avait appris je ne sais comment - décida de me rayer de son testament, chose dont je me foutais absolument ! Mais la vie décida autrement de cet union en emportant ma femme d'un cancer qui la rongeait... À vingt-sept ans je devins veuf avec l'impression que rien ni personne ne saurait me redonner goût de vivre, pourtant je réussis à me battre contre ma volonté de mourir. Je déménageai dans un appartement plus modeste, seul. Ce changement m'apporta, alors que je n'y croyais plus, une raison de me redonner ne serait-ce qu'un peu de plaisir à vivre, puisque c'est dans ce nouvel immeuble que je fis la rencontre d'Ava, par un pur hasard. En relativement peu de temps je m’aperçus qu'il y avait un souci, et non des moindres ; des bleus apparaissaient sur le visage de mon amie, et ce de plus en plus régulièrement. Elle avait beau nier, je me doutais bien que son stupide copain la maltraitait, mais comment faire comprendre à la victime de violences qu'elle devrait fuir ? Il fallu du temps mais je finis par réussir à la convaincre de le quitter et également de quitter la ville, avec moi. Nous sommes partis pour San Francisco, commencer une nouvelle vie en toute amitié. Amitié qui vira à l'étrange le jour où Ava me fit la proposition la plus bizarre qu'il m'eut été donné d'entendre, à savoir qu'elle voulait que je devienne le père de son enfant. Je m'entendis accepter avec étonnement, et c'est ainsi que ce projet se concrétisa officiellement, moi qui avait toujours voulu devenir père j'allais l'être enfin, même si ce n'était pas tout à fait de la manière que je l'avais imaginé. Notre amitié est restée inchangée depuis ce temps - enfin, officiellement... Officieusement, nous allons avoir un enfant ensemble et je ne peux pas nier que mes sentiments ont évolué, comment lui avouer cependant ? Et faut-il lui avouer d'ailleurs ? Pour l'instant la réponse est non, j'attends de voir où cela nous mènera...