Hécate. Dépêche-toi. Tout le monde t'attend. Tu soupires. Tu as toujours détesté les Dimanches. Oh oui, ces dimanches habituels et monotones ou tu te trouves entourée de ta grande famille entrain de sourire comme une imbécile. Tu n'aimes pas votre hypocrisie collective. Bordel, ce que ça te dégoûte. Tu aimerais tellement briser cette tradition inutile et régressive mais tu n'as guère le choix. N'est-ce pas ? C'est Nermine, maman. Nermine ! Tu laisses échapper un long soupir tout en descendant les escaliers, lasse. Tu balayes du regard la grande table et ne t'attardes sur aucun visage; bien trop désintéressée pour te concentrer. Tes frères ne sont toujours pas rentrés. Les cons ! Ils t'ont laissé seule pour faire face à ce désastre; comme toujours. Tu dois les couvrir... même si tu sais que cela ne sert absolument à rien. Tu sais très bien que ta mère a remarqué leur absence mais tente de le cacher; désespérément. Tu aimerais tellement être à leur place: libre, pouvant faire ce que tu désires sans que ta mère ne te surveille chaque seconde. Elle a juste peur de te perdre la pauvre. Elle ne pourrait le supporter. A table les Al-Mansûr ! Le dîner est enfin prêt. Vivent les dimanches en famille ! Oh oui, ta mère a inventé cette tradition et compte la préserver, pour toujours.

Deux mois plus tard. Tu suffoques. Tes sanglots te déchirent la gorge et tu as envie de crier. Non. Tu as as besoin de respirer. Tu commences à taper du pied, prise dans tes tourments. Tu te lèves brusquement et quittes le salon, bien trop bondé. Et là tu exploses ! Tu exploses en larmes. Tu offres la liberté à ces sanglots retenus pendant deux mois. Tu pleures, tu souris, tu cries, tu ris; tu t'effondres par terre. Trop d'émotions d'un coup. Bien trop de sentiments pour une fille aussi insensible que toi. Bon Dieu ! Tu n'as pas su comment les gérer. Tu revois leur accident ! Tu revois le visage du policier t'annonçant leur accident; t'annonçant qu'à présent vous allez être seuls toi et tes frères. La liberté ? Est-ce cela le prix que tu devais payer pour l'avoir ? Est-ce cela sa contrepartie ? Tu n'en veux pas. Qu'on te ramène tes parents et qu'on te prenne cette liberté ! Tu n'en veux pas, bon sang. Joseph te rejoint. Il a toujours été le plus sensible de vous trois. Il a tout de suite remarqué que tu n'étais pas à l'aise face à cette centaine d'avocats froids et insensibles voulant juste avoir leur part du gâteau. Tu ne bouges pas. Tu as toujours trouvé une difficulté à montrer ton côté sensible. Bon Dieu, tu n'as jamais cru que t'en avais un. Et pourtant... ! Joseph se contente de te prendre dans tes bras. Tu sanglotes. Tu te laisses aller et tu t'effondres dans les bras de ton frère aîné les larmes ruisselant sur tes joues.

Un mois plus tard. New York ! Vous avez quitté le Liban pour vous rendre à New York; tous les trois. Grâce à vos parents, vous êtes riches à présent. Vous êtes majeurs et avez donc le droit d'utiliser l'argent comme bon vous semble... sauf toi. Oui, comme toujours ! Ta mère te connaissait tellement qu'elle avait insisté à poser une condition pour que tu reçoives ton héritage. Tu devrais te fiancer. Tu devrais être fiancée pour avoir ton héritage. Bordel ! Était-elle vraiment obligée de te rendre la vie difficile même après sa mort ? Vous ne vous êtes jamais bien entendues - vous deux, à cause du caractère bien conservateur de ta mère. Et pourtant, te voilà aujourd'hui obligée de suivre ses consignes; de mener la vie qu'elle t'a tracée même après sa mort.