❝ un tête à tête glacial... ❞

« Je dois aller au cabinet, c'est urgent Justin donc tu m'écoutes tu mets tes chaussures ! » Il me regardait avec le genre d'air qui voulait dire qu'il s'en moquait et qu'il ne m'écouterait pas. Il avait fallu batailler pendant vingt minutes pour que j'arrive enfin à avoir le dernier mot et qu'il mette ses chaussures. D'accord je n'avais pas été très mature en lui disant que s'il ne le faisait pas je lui évoquerai un grand secret cruel à propos du Père Noël et que, aussi, sa mère serait au courant de son comportement. Je marchais rapidement dans la rue, j'avais dans l'idée de déposer Justin chez Julianna et Daniel. Je me demandais si mon meilleur ami serait là, mais vu qu'on était au milieu d'après-midi cela m'étonnerait fortement et je devais donc essayer de convaincre Julianna de me le garder ne serait-ce qu'une heure. Je trainais limite Justin qui faisait l'imbécile. Je voulais me montrer sévère mais je n'y arrivais pas, enfin si mais lui il s'en moquait comme de l'an quarante. Plâtre au poignet et au bras en plus je galérais vraiment pour atteindre la maison de mon meilleur ami mais il me manquait juste quelques mètres à faire. Je gardais la main de Justin dans la mienne, il manquerait plus qu'il se sauve et qu'il se fasse écraser par une voiture. J'avais appris la leçon d'Eloyce quand je l'avais – in-intentionnellement – oublié à l'école maternelle il y a de cela une semaine. Aujourd'hui j'y avais été, d'un côté j'étais en congé et donc je n'avais aucune excuse. Ces derniers jours je passais mes journées à la maison comme je n'avais pas le droit de travailler. Miracle, j'avais eu un appel qui me disait que c'était urgent que je passe au cabinet pour ne serait-ce qu'une petite heure et j'avais de suite accepté, raccrochant et prenant compte que je n'avais pas compté Justin dans l'histoire. Bon, personne n'en saurait rien, mais pour cela il fallait que je tombe sur Daniel – peut-être un autre miracle : il aurait pris un congé. J'arrivais donc devant la porte de mon meilleur ami et je sonna avant d'attendre avec un Justin qui gesticulait dans tous les sens.

En ouvrant je vis rapidement le visage de Julianna. Pas un bonjour, juste un qu'est ce que je faisais là. Agréable. Finalement j'aurai du m'arranger avec mon père, mais il était trop tard pour faire machine arrière. Je la regardais en faisant une moue gênée. « Je suis désolée de te déranger Julianna... » Je vis une tache orange ornée son vêtement et j'en concluais que j'arrivais pile au mauvais moment comme toujours. « ...vraiment désolée tu dois être occupée, mais je voulais savoir si tu pouvais me rendre un petit service ne serait-ce qu'une heure... Je suis vraiment vraiment confus d'arriver à l'improviste mais c'est que je n'ai pas le choix. » Évidemment que je l'avais le choix mais ça je me gardais bien de le cacher. Après tout j'aurai pu tout simplement refusé d'aller au cabinet d'architecture, mais je savais que c'était un client assez coriace qui me demandait et il n'y avait que moi qui pouvait lui dire ce qu'il fallait faire. Je la regardais alors, non pas d'un air suppliant car j'avais un air pathétique, mais j'espérais quand même qu'elle accepterait. Elle me proposa d'entrer. Sérieusement ? Moi qui pensait qu'elle me détestait il fallait croire que je m'étais trompé sur toute la ligne. « J'aurai bien voulu mais à vrai dire je suis assez pressé... » Non je ne la prenais pas pour une femme qui allait juste garder le fils de ma fiancée, mais elle m'aurait franchement bien dépanné...

❝ un tête à tête glacial... ❞

A la base je devais juste déposer Justin et repartir illico-presto. Je ne voulais pas faire attendre le dit client pénible et pour cela je devais être plus rapide. C'était sans compter la turbulence du fils d'Eloyce. Il m'avait lâché la main sans que j'ai eu le temps de me rendre compte avant d'entrer chez Julianna comme si c'était un moulin. La politesse de nos jours se faisait-elle rare ?! En tout cas je n'avais même pas eu le temps de bouger que j'entendis un bruit d'un vase brisé. Il n'était pas possible ce gosse. Je me demandais quelle éducation il avait eu à force avec Eloyce. Si cela avait été moi il y a longtemps que je l'aurai puni. Je ne voulais pas remettre en cause l'éducation de ma petite amie, et surtout si elle l'apprenait elle me tuerait en me disant que de toute manière je n'avais pas mon mot à dire là-dessus, mais il était certain qu'avec notre futur bébé cela ne se passerait pas comme ça. Elle me disait que je pouvais partir, pourtant dans ses yeux je vis que cela n'allait pas. Je n'allais pas la laisser là, toute seule avec deux petits diables qui allaient finir par la faire craquer. Elle entrait dans le salon, me laissant à la porte d'entrée pensant que j'allais sans doute partir en claquant la porte derrière moi pour ramasser les dégâts qu'avaient occasionné Justin. Quand on rentrerait à la maison, ça allait barder. J'aurai pu être vache et la planter là, et la laisser tout nettoyer en m'en manquant considérablement, mais il y avait un hic dans l'histoire : Daniel me tuerait de ses mains pour l'avoir laissé toute seule alors qu'elle allait sans doute bientôt fondre en larmes. Elle avait l'air épuisé. Elle faisait des aller-retour et à force elle avait posé son regard sur moi, d'une voix tremblante elle m'avait dit que je pouvais partir et revenir quand Daniel sera là. J'avais l'impression qu'elle voulait que je parte sans l'aider, qu'elle ne voulait pas de moi en fait. C'était un peu de ma faute si elle était dans cet état après tout.

Au bout de quelques secondes je pris mon courage à deux mains et j'entrais dans la demeure en fermant la porte derrière moi. Tant pis pour le client il pourrait bien patienter encore. Il n'était pas à une heure près après tout, sa maison n'allait pas se construire en un claquement de doigt comme il pouvait le penser. Je m'approchais de Julianna en la regardant. « Laisse je vais le faire. » Je m'accroupis, prenant un torchon et une éponge pour nettoyer l'eau qui était par terre. Après tout c'était bien à moi de le faire, Justin avait fait la bêtise et si je pouvais je le prendrais par la peau du cou pour qu'il nettoie ses propres bêtises mais on aurait pu croire que je le maltraite. « Tu veux en parler ? » Fis-je amicalement en nettoyant les dégâts. Elle avait l'air au bout du rouleau.

❝ un tête à tête glacial... ❞

C'était tout naturellement que j'avais mis la main à la pâte : c'était le fils d'Eloyce et ne voulant pas passer pour un crétin et encore plus pour un malpoli j'avais décidé de fermer la porte en entrant afin de prendre le relais et de lui montrer le canapé pour qu'elle s'assoit. J'avais pris l'éponge dans ma main et me mettant à genoux j'épongeais l'eau qui restait sur le sol. Si Daniel avait là il aurait rigolé en me disant que je serai parfait dans le rôle de la petite ménagère. Pour le moment je m'en moquais, je ne voulais pas qu'il croit que c'était moi qui venait de faire presque pleurer sa femme. Car si cela avait été le cas il m'aurait sans doute pris par le col de la chemise pour me demander ce qui n'allait pas chez moi. En bon psychologue, ou plutôt en bonne personne attentive, je lui avais dis qu'elle pouvait me dire ce qui n'allait pas. Il se disait que quand on disait ce qu'on allait sur le cœur, une partie de notre esprit était déjà plus allégée. Elle me déclara qu'elle était alors épuisée. Je pouvais le croire. Gérer une pression avec des enfants, dans une maison, une famille recomposée c'était loin d'être facile. Comment pouvais-je la comprendre ? Parce que moi aussi j'étais par moment sous pression à attendre que le fils d'Eloyce me fasse au moins un sourire sincère et en ayant la peur au ventre que le dit père revienne dans la vie et que je sois effacé du tableau. Je n'en parlais à personne ce pendant mais en la voyant je savais ce qu'elle pouvait ressentir. Si Winston était aussi perturbateur que Justin, il y avait de quoi devenir chèvre. J'avais ramassé les derniers débris quand elle m'indiqua la poubelle. Je me relevais, silencieusement en prenant soin de ne pas faire de dégâts et j'ouvris cette poubelle pour en laisser tomber le contenu que j'avais dans ma main.

J'étais revenu dans le salon quand elle me certifiait que ça allait aller, que ça lui arrivait de temps en temps. Comme tout le monde en somme. Il y avait des jours où on rêvait de tout plaquer pour aller à l'autre bout du monde, seul, sans ses soucis en tête. Mais parait-il que c'était en les affrontant qu'on devenait plus fort. Elle s'était assise tranquillement en se demandant ce qui clochait chez elle. « C'est normal d'avoir des ras-le-bol par moment. » Fis-je simplement. Je ne voulais pas qu'elle croit que je m'immisçais dans sa vie, que je fouinais. J'étais souvent maladroit mais jamais je ne mettais à juger quelqu'un que je connaissais à peine. Il fallait toujours trouver du temps pour soi pour souffler, mais quand on était mère de famille peut-être que c'était moins évident. Après tout, Daniel et moi on sortait pour se voir assez régulièrement mais nos compagnes peut-être moins. Elle me posa alors une question qui me dérouta. Cela se vit sur mon visage, j'avais froncé les sourcils d'un air étonné. Je ne savais pas où elle avait entendu ça. Je ne l'avais jamais dit, et je ne l'avais jamais pensé. « Qu'est ce qui te fais croire que je ne t'aime pas ? Je ne te connais même pas, comment puis-je te détester sans te connaître ? » D'un côté j'hallucinais car elle se portait en victime car évidemment c'était elle qui se voyait comme la pestiférée, mais moi qu'est ce qui ne me faisait pas dire que derrière mon dos elle m'en plantait plusieurs poignards ? « Moi qui pensais que c'était toi qui me détestait à cause des soirées avec Daniel. » J'avais dis ça en toute innocence, mais d'un côté je voulais voir sa réaction. Sa réaction me dirait si elle m'aimait ou non.

❝ un tête à tête glacial... ❞

Je me demandais ce que j'avais pu faire pour qu'elle me déteste. Après tout elle ne me portait pas dans son coeur : il fallait voir quand elle m'avait ouvert la porte, me demandant tout de suite ce que je faisais là. Oui j'étais souvent en compagnie de Daniel dans les bars mais il ne fallait pas croire que j'avais un rôle d'ivrogne qui ne faisait rien de sa vie. Au contraire, j'arrivais à construire ma vie comme je l'avais souhaité : je devenais un prodigieux architecte, et je me montrais aimant envers mes proches. Je ne comprenais donc pas la réaction de Julianna qui ne me connaissait pas. J'avais toujours pour but : ne jamais jugez une personne que l'on ne connaissait pas – même si parfois cela m'échappait. Elle me confia qu'elle croyait que je la détestais avant de dire qu'en fait c'était peut-être elle qui me détestait. J'attendais la raison au moins, car on ne pouvait pas détester une personne sans savoir qui elle était non ? Je restais néanmoins silencieux, terminant de nettoyer la bêtise de Justin quand elle me déclara qu'elle me devait des excuses. Cela me fit plaisir, je souriais légèrement en relevant la tête pour la regarder. « Merci ça me touche. » Fis-je sincèrement avant de reprendre la parole. « Et je suis désolé si par moment j'accapare Daniel, il faut juste que tu saches qu'il est très important à mes yeux. C'est un peu comme un frère, on se connait depuis tout petit et il m'a toujours épaulé. » Je ne voulais pas qu'elle croit que l'on était simplement des potes de beuveries. Notre amitié était vraiment plus forte que cela. Je me releva regardant le sol qui était à présent parfaitement propre. J'avais pu vraiment bien nettoyé la bêtise de Justin, c'était comme si le sol était neuf, enfin presque.

Je n'arrivais pas à croire que l'on était en train de parler de nos sentiments, notre appréhension d'être détesté de l'un et de l'autre. « Oui en effet, j'ai pour but de ne pas juger les personnes sans les connaître. Je pense qu'il faudrait que l'on prenne le temps de se connaître. Au moins pour Daniel, il serait content que l'on s'entende. » Je fis un sourire. Après tout c'était vrai que mon meilleur ami serait heureux si je m'entendais avec sa copine. Au moins il n'y aurait plus de problème pour nos soirées en plus. Je trouvais facilement le bénéfice. Ce qui me gênait par contre ? Le fait qu'elle vienne de ne me prendre dans ses bras. J'en restais complétement pétrifié. J'étais une personne qui avait du mal à approcher la gente féminine, si Marley n'avait pas fait le premier pas, jamais je ne serai là où j'étais à l'heure actuelle. Julianna me serrait dans ses bras et je restais complétement stupéfait car c'était inattendu. J'étais pétrifié mais j'essayais de ne rien montrer. Ce qu'elle me dit me chamboula même. J'espérais qu'elle ne me drague pas... je n'avais pas envie de mourir des mains de Daniel. Finalement je me détendis, enlaçant Julianna. « Je crois que si Daniel arrive pile à ce moment là, je suis un homme mort... » Je rigolais légèrement pour détendre l'atmosphère.