❝ one more night to drink and to laugh. ❞

Jeudi soir. C'était sans doute le soir dans la semaine que j'attendais le plus impatiemment. Le jeudi soir avait pour rituel de passer une soirée avec mon meilleur ami depuis toujours : Daniel, ou comme je l'appelais rien que pour l'embêter : Danny. On se connaissait depuis toujours et on était en quelque sorte comme des frères. Je l'adorais et passer du temps avec lui c'était toujours agréable, jusqu'à ce que l'on rentre chez nous et qu'on passe un mauvais quart d'heure : soit parce que l'on avait bu, soit parce que l'on était rentré très tard, voir même au petit matin alors que le lendemain on enchainait une journée de travail. Ce pendant, je prenais toujours le moment avec une véritable délectation. Je regardais les aiguilles de ma pendule dans mon bureau avancées lentement. J'adorais mon travail, j'avais réussi ce que je voulais acquérir mais je trouvais la journée du jeudi particulièrement longue, peut-être car j'étais comme un gosse qui savait qu'il allait passer une soirée mémorable et qui avait hâte d'y être. Mon crayon de bois n'arrêtait pas de gribouiller un bout de ma feuille de papier. Plus que dix minutes. J'étais du genre bosseur mais là je ne pouvais empêcher mes pensées d'aller dans tous les sens. Du coup, quand je vis sur ma pendule qu'il était dix-sept heures passés, je pris mon manteau et je partis d'un pas assez rapide en claquant la porte de mon bureau derrière moi. Mes collègues n'étaient même plus surpris, tellement ils étaient habitués à me voir courir comme un lapin pour sortir de l'immeuble. Qu'est ce que ce serait le jour où – si je travaillais – on me dirait qu'Eloyce accoucherait ? Sans doute que je courrai tel un coyote ! En tout cas il ne me fallut pas longtemps pour rejoindre ma voiture et roulé en direction de l'appartement car il était hors de question que j'aille boire un verre avec mon ami en costume cravate. Je n'avais pas mis longtemps pour mettre un tee-shirt, un jean et mes baskets pour sortir de nouveau. J'avais un peu de temps devant moi, on avait dis dix-huit heures mais je préférais être avant l'heure car je sentirais déjà cette ambiance. Le bar n'était pas très loin, et je fis le trajet à pied comme d'habitude. En entrant, il y avait déjà une ambiance qui était agréable à l'écoute et je pris place au comptoir pour attendre mon meilleur ami. Un quart d'heure passa, une demi-heure puis une heure. Il était dix-neuf heures et toujours pas de Daniel en vue, ce n'était pas faute de regarder mon téléphone voir si j'avais un message mais non. Puis, il arriva et je le regarda de haut en bas. « Dis-donc j'espère que tu fais pas poiroter ta femme comme tu viens de le faire pour moi, sinon je comprends que par moment tu dormes sur le canapé. » Fis-je avec un sourire avant de rire légèrement puis de me tourner vers le serveur pour demander deux bières. Une soirée allait commencé, une soirée de détente et de délires comme on le savait si bien le faire.

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Il n'y avait que deux causes possibles dans le retard de mon meilleur ami : la première, Julianna sa petite amie aurait piqué une crise en lui interdisant de me voir – oui peut-être en avait-elle aussi marre qu'Eloyce de nous voir tous les deux à peu près ivre en entrant – ou alors, le travail avait encore pris l'avantage. Je pensais plus à la deuxième hypothèse. Son métier de dentiste était toujours prenant et ces retards à nos soirées venaient souvent de là. Je ne lui en voulais pas, le travail primait, je savais qu'il aimait bien ce qu'il faisait, comme j'aimais travailler au cabinet d'architecture. Du coup, les minutes s'étaient écoulées et j'avais mon regard fixé sur la porte d'entrée, et par moment sur mon téléphone. Au pire s'il ne pouvait pas il aurait l'audace de me prévenir, du moins j'espérais. Dix-neuf heures étaient passées et le voilà arrivant avant de se positionner à côté de moi et de me dire que je savais très bien ce que les patients pouvaient être pénibles par moment et maniaques. Il n'avait pas tort. Enfin, dans mon travail j'avais plutôt des clients terriblement exigeants à un ton de couleur près où à un millimètre près ce qui pouvait me valoir des fois un sourire crispé essayant d'être purement commercial. « Mais non tu le sais toi-même que tu aimes ton métier ! » il disait ça car il était un brin énervé et fatigué mais au fond je le savais qu'il adorait ça. Après tout on avait tous des vocations. « Ça me fait penser qu'il faudrait que j'aille chez le dentiste... » Je fis une grimace qui voulait tout dire, j'étais ce genre de personne qui détestait le dentiste et qui tremblait de tout son corps dans la salle d'attente et qui faisait flipper les enfants sous le regard sévère de leurs mères... Daniel m'avait toujours proposé d'être son dentiste et j'avais toujours décliné pour la simple et bonne raison que je risquais de lui croquer la main s'il touchait à mes dents...

Je venais de commander deux bières pour commencer la soirée en toute tranquillité. Daniel prit place, et me demanda comment c'était passé ma journée en m'appelant Adamy. Je détestais ce surnom, il le savait et je le voyais quand il se mit à rire légèrement. « Bah écoute, le fils d'Eloyce ne m'aime vraiment pas, du coup je suis resté au cabinet d'architecture en prétextant à Eloyce que je ne pouvais vraiment pas aller le chercher à l'école primaire... Comme d'habitude si tu veux... » Je pris ma bière que le serveur venait d'apporter avant de boire quelques gorgées. Ce goût d'une bière avec son meilleur ami n'avait pas de prix. « Et toi Danny ? A part le fait que tu as des clientes traumatisées par leurs dents ? » Déclarais-je avec un petit rire.

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Nous ne faisions pas de mal et pourtant j'avais l'impression que certains voyaient nos soirées entre amis comme une beuverie sans cause. On aimait juste boire quelques bières ou des verres et rire pour se détendre. On aimait tout deux nos vies mais on avait bien le droit de temps à autres de décompresser. Je ne le cachais pas que j'étais heureux de devenir bientôt père mais cette responsabilité me terrifiait surtout que je n'arrivais pas à montrer que j'étais un bon père avec le fils d'Eloyce, il me détestait et jouait de ses émotions devant sa mère pour que ce soit toujours moi le fautif. Parfois je me disais que s'il n'était pas cela aurait été mieux, mais je me détestais de penser de telles choses ! Je n'osais pas le dire que j'avais la trouille, je l'avais brièvement mentionné à mon père qui m'avait dit que c'était clairement normal. Je lisais en cachette des livres sur la paternité comme si je passais un examen. Du coup ces soirées me permettaient un temps soit peu d'oublier un peu ma peur. Avec Danny on savait bien faire la fête, même un peu trop, il nous arrivait souvent de sortir du bar complétement éméchés et avoir des difficultés pour retrouver le chemin de nos logements, mais on y arrivait toujours. En tout cas je voyais sur la tête de mon meilleur ami que la journée n'avait pas du être facile. Il me clama haut et fort qu'il y avait des patients chiants et certains venaient même pour rien. « Je suis d'accord avec le caractère chieur, j'ai moi-même des clients qui ne savent pas ce qu'ils veulent. Un coup ils veulent une maison plain-pied, après à étage, puis de retour à plain-pied à force je leur propose de prendre un appartement, ils choisiraient leur étage et déménagerait quand ils le souhaiteraient ! » Je rigola légèrement à la fin. Des clients comme ça j'en avais à la pelle et des fois je me demandais si on me les envoyait pas pour que je perde patience. J'étais persuadé que bientôt je pourrais sortir un livre intitulé : les cent idioties de clients d'architecte. Ca ferait peut-être un carton... Je tiqua quand il me proposa ses services dentaires: « Sans t'offenser je ne pense pas que tu apprécierais le fait que je te croque la main... »

En parlant de paternité, j'avais mentionné le fait que le fils d'Eloyce, Justin, me détestait toujours autant et pourtant ce n'était pas faute de faire des grands sourires et de lui proposer de sortir que nous deux mais il mer regardait d'un air méprisable avant de me snober. Le pire, c'était que devant sa mère il se montrait tout gentil tout mignon et à force j'avais l'impression que c'était moi qui devenait paranoïaque. « Eloyce... » Commençais-je avant de pousser un long soupir et de boire quelques gorgées de bière avant de reprendre. « C'est son fils, donc il a raison, d'un côté il est malin, très bon comédien, il fait tout gentil quand elle est là mais quand elle a le dos tourné j'ai le droit à un regard de psychopathe... C'est même assez flippant, il n'a que six ans ! » Je grimaça, frissonnant légèrement en y repensant. « Et le fait qu'Eloyce est enceinte, je crois que cela ne va rien arranger. Je suis super heureux de devenir père mais je sens que Justin va deux fois plus me haïr. » Depuis qu'elle avait annoncé sa grossesse j'espérais avoir une fille. C'était idiot mais je me disais qu'avec une petite fille j'aurai peut-être plus de chance de me faire aimer, car si c'était un garçon, Justin pourrait peut-être tenter de le mettre contre moi. La galère. En tout cas nos vies familiales se ressemblait un peu, du moins par le fait qu'on avait tout deux un enfant qui n'était pas le notre à part entière. « Et toi avec le fils de Julianna ? » Je l'enviais car tout se passait bien, et j'aurais tant aimé que ce soit la même chose pour moi. Il me confia alors que sa petite amie lui faisait par moment des crises quand on passait des soirées ensemble et que sa fille faisait un peu n'importe quoi. « Elle est peut-être déboussolée par tout ça... Tu as essayé d'en parler avec elle ? Puis pour Julianna, je ne vois pas le problème du fait qu'on se fait des soirées, tant que ce n'est pas tous les jours. Je vois aussi qu'Eloyce n'est pas satisfaite par moment, mais il faudra me tuer pour que l'on ne passe plus de soirées ensemble ! »

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Notre amitié était ineffable : on se connaissait depuis que l'on était gosse et on ne s'était plus quitté. On avait fait notre scolarité ensemble jusqu'à ce qu'on aille dans une licence différente après notre dernière année au lycée. Même si on avait choisi des parcours différents on avait toujours été présent l'un pour l'autre. Quand il s'était marié j'étais là, quand sa fille était née j'étais aussi présent et quand j'avais rencontré Eloyce, il avait été le premier à me dire de foncer. Je crois que je n'aurai jamais le bonheur que j'avais actuellement sans lui car il m'avait bien conseillé pour faire le premier pas, même si je n'avais pas réussi, avec Eloyce on était à présent ensemble. Ce n'était pas aujourd'hui qu'on allait nous séparer. Je pensais même que quand on serait vieux on ferait des parties de pêches ou de cartes ensemble pour passer le temps. En tout cas ce soir était un soir où il fallait se détendre. On avait eu des journées assez compliquées ces derniers temps, en particulier au niveau du travail. Les clients pénibles on connaissait. Je me demandais même si un jour il faudrait décerner la palme à celui qui l'était le plus. J'avais déjà quelques idées en tête pour celui de mon cabinet. Le genre célibataire qui voulait une grande propriété à lui tout seul mais qui ne savait pas du tout comment s'y prendre... et qui du coup prenait bien de mon temps. Daniel trinqua à l'honneur des clients les plus chiants du monde et je ne pus m'empêcher de rire avant de trinquer. Je bus ma bière pendant qu'il me déclara que je pouvais bien lui faire confiance en matière de dentiste et il fit exprès de tenter de me faire peur. Je le détestais dans ces moments là et je fronçais les sourcils en le regardant. « Tu as vraiment l'âme d'un sadique ma parole... » je l'observais en faisant un sourire au coin. « Quoique je pense que tu ferais le moins fier si je te croquais la main, surtout qu'il paraît que j'ai des dents assez tranchantes. » Je lui fis à mon tour un sourire sadique. C'était donnant donnant.

Après le travail, la famille. Il ne fallait pas être mauvaise langue : on ne faisait pas que boire ou faire des bêtises. On avait aussi des conversations complétement censées. Du coup je lui confia la fait que Justin ne voulait pas forcément passer du temps avec moi et que par moment il me faisait même des misères. Des gens pouvaient trouver ça drôle de se faire mener par le bout du nez par un enfant de six ans, mais moi je ne riais pas. Danny me fit alors une proposition pourquoi ne pas faire une sortie père/fils. Pourquoi pas ? Je ne voyais pas ce que j'avais à perdre. « Je veux bien, mais je te préviens tout de suite : il n'est vraiment pas facile. Je me demande même s'il a des amis à l'école, on l'entend jamais parler de ses camarades, ou alors peut-être qu'il n'en parle qu'à sa mère. » C'était probable : Justin n'aimait pas me parler, alors peut-être qu'il ne parlait pas devant moi non plus. Je l'enviais d'avoir une relation très proche avec le fils de Julianna. J'aurai aimé moi aussi vivre ça. Faire découvrir le base-ball à Justin et passer des dimanches à lui apprendre comment jouer, l'aider pour ses devoirs et plein d'autres choses. D'un côté qui e pouvait pas aimer Daniel ? C'était un mec formidable et j'étais le premier à le penser ! « Il t'a déjà demandé comment on faisait les bébés ? » Je ne pus m'empêcher d'avoir un léger rire. C'était LA question où on se sentait embarrassé, où l'on ne savait pas quoi dire. Je me demandais si Winston lui avait déjà demandé, si c'était cas j'aurai bien aimé être une petite souris pour voir comment Daniel s'était dépatouillé. Je n'étais pas surpris que Julianna fasse des scènes, après tout Eloyce des fois me lançait ce regard de reproches aussi. Ahhh les femmes... Je buvais quelques gorgées en l'écoutant avant de poser ma bière et de reprendre : « Pour ta fille je pense que ça passera. Pour Julianna, écoute je suis tellement irrésistible d'un côté je la comprends... » Déclarais-je en éclatant de rire avant de reprendre une nouvelle fois : « Je ne peux que ton comprendre, j'ai le même cas à la maison figure toi. Elles sont jalouses de nous. » Fis-je avec un grand sourire aux lèvres.

Tous les souvenirs que j’avais avec Adam ne cessaient de frapper mon esprit. Il n’y avait pas une seule journée sans que quelque chose me ramène à lui. Ce matin, j’avais fais tomber ma brioche dans mon café et au lieu de m’agacer comme n’importe qu’elle personne normalement composée, j’avais rigolé parce que je repensais à ma grande tante du Maine, on y allait souvent avec Adam et nos frères pendant les vacances d’état et cette vieille tante nous interdisait toujours de tremper nos brioche dans le chocolat chaud, « parce que ça ne faisait pas propre ». Alors avec Adam, on avait trouvé cette technique, on laisse malencontreusement tomber nos brioches dans le lait chaud et ainsi nous pouvions manger nos viennoiseries imbibées de lait sans se faire gronder. Ce genre de petits souvenirs me réchauffaient le cœur. Des petits détails, des petites histoires qui faisaient que notre amitié étaient encore plus fortes. Nous avions tellement vécu ensemble et le mieux dans toute ça c’est que nous continuions à vivre des choses tous les deux. Mais maintenant, nos vies amoureuses et professionnelles prenaient le pas sur tout ça et nous étions contraint de se voir qu’une fois par semaine. Parfois on allait au restaurant, parfois au cinéma, parfois seulement dans un bar, d’autre fois on se rendait sur les rives du Mississippi et on se roulait un petit joint, parfois on se contentait d’un café chez l’un ou chez l’autre. Mais en tout les cas, on se trouvait toujours du temps l’un pour l’autre.

Ce qui était fort entre nous, c’est qu’on se comprenait d’un simple regard, d’une simple parole, et c’était terriblement agréable de lire ainsi en une personne. Après avoir parler des clients, d’avoir trinquer à leur santé, et d’avoir laissé les discutions professionnelles aux placards, nos familles furent le centre de nos conversations. Justin, le fils d’Eloyce arriva en premier, sûrement parce qu’il était un petit garçon qui suscitait beaucoup d’interrogations. Je proposais alors à Adam de faire une après midi « père-fils ». J’hochais la tête en écoutant Adam, au pire des cas cela ne fonctionnerait pas et cela ne changerait rien. «Tu en a déjà parlé à Eloyce ou alors elle est totalement focalisé sur son fils et ne t’écoute pas ? » Il n’y avait rien de plus rageant que ce genre de situation. Je savais parfaitement qu’Adam rêvait d’une relation épanouie avec cet enfant, et je le comprenais, j’avais la chance de m’entendre à merveille avec Winston et c’est d’ailleurs pour cette raison, parce que je voulais l’aider que je lui proposais des solutions, et cherchais à comprendre. La question d’Adam me fit rire et malheureusement j’hochais la tête. « C’est déjà arrivé oui, fort heureusement, j’étais en train de réparer un truc sur le moteur de la voiture de Julianna et justement elle lézardait dans le jardin alors je lui ai dit que j’étais très occupé mais que sa maman serait ravi de lui raconter ce genre d’histoire ! » Julianna m’en avait voulu un peu pour cette histoire mais après tout, elle s’était débrouillée comme une chef et c’était son fils ! En fait, c’était son fils quand cela m’arrangeait ! Après avoir parler de toute nos femmes, nos enfants et nos problèmes, nous avions terminée la première bière et je tournais mon regard vers cela de mon ami avec ce regard si particulier qui lui annonçait que j’avais un plan pour le reste de la soirée. « Dammy, j’ai de quoi oublier tout nos soucis dans la doublure de ma veste, ça te dit un tête à tête avec un cône sur les rives du Mississippi » Je savais qu’Adam ne pourrait pas refuser ce genre de propositions.

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Je ne pensais pas étaler mes problèmes d'autorité parentale sur Justin ce soir et encore moins autour d'une bière. Ce pendant c'était un fait : il ne m'écoutait pas et me tenait même tête. Je ne savais même pas ce que je lui avais fait pour mériter autant de mauvais comportements. Je savais que Daniel était une oreille attentive et que je pouvais donc me plaindre quelques minutes qu'il ne m'en voudrait pas. On était tout deux pères de substitutions puisque nos compagnes respectives avaient un fils chacun avant que l'on se rencontre, mais lui avait de la chance : Winston le voyait un peu comme son père. Je regardais ma bouteille de bière un moment en l'écoutant, me demandant si Eloyce était au courant, si elle réagissait et je ne pus m'empêcher de rire légèrement. Un de mes doigts faisaient le tour du goulot et je faisais souvent cet acte quand je me plongeais rapidement dans mes pensées. Je ne pouvais pas en vouloir à Eloyce de voir en son fils une merveille du monde, mais des fois j'aimerai qu'elle fasse la part des choses. Par moment elle pensait que je ne voulais pas me retrouver seul avec Justin ou que je m'en moquais mais tout était faux, si seulement elle pouvait voir comment il me parlait, elle se rendrait vite compte que je n'étais pas le fautif dans l'histoire. « On va dire que c'est comme toute les mères : elle adule Justin. D'un côté je n'ai pas mon mot à dire dans son éducation c'est son fils, sauf que j'ai peur que ça entraîne des conflits... Je lui en parlerai. » Je pris ma bouteille dans la main avant de boire quelques gorgées. Je ne voulais pas qu'on ait pitié de ma situation. Déjà, je galérais pour draguer, et j'avais une personne merveilleuse en tant que petite amie. Je ne pouvais pas me plaindre de ma vie, je n'en avais pas le droit. « T'imagines si le père de Justin revient ? Tu me diras il y a une chance sur mille, mais je ne te cache pas que j'ai toujours la trouille que du jour au lendemain il vient frapper à la porte. » C'était une peur rationnelle : je me doutais que la plupart des gens dans mon cas aurait la même peur: de voir toute leur vie construite, pleine de bonheur de voler en éclats en un rien de temps. Je ne savais pas pourquoi mais ces derniers temps cela me tracassait, alors que depuis le début de ma relation avec Eloyce cela n'avait été qu'un tout petit nuage dans le ciel de notre vie. Etait-ce le fait que Justin me dise de plus en plus que je n'étais pas son père qui me faisait tilt ? Peut-être.

Je préférais parler de Winston, de la petite famille de Daniel tout simplement car il y avait beaucoup de bonheur et cela réchauffait le cœur. Je lui avais demandé, taquin, si la question de comment faire les bébés était déjà tombée. Je n'avais pu m'empêcher de rigoler quand Danny m'expliqua que oui, Winston était venu le voir et que pour ne pas répondre il l'avait envoyé voir sa mère. Pas bête, il faudrait que je mette l'idée de côté. « Ah moins que c'est parce que tu ne savais pas comment les faire ? » Déclarais-je dans un grand éclat de rire juste pour l'embêter. « Je paris qu'en effet Julianna a du être ravie d'avoir eu cette réponse à donner. » Je repris quelques gouttes de ma bière qui commençait à descendre rapidement. C'était la question que tous les parents redoutaient, et sans doute que moi aussi plus tard je serai mis au pied du mur par cette interrogation. Je me laissa tomber contre le dossier de ma chaise en soupirant légèrement. La vie par moment n'était pas facile. Je croisa son regard, et j'aurai pu reconnaître ce regard parmi des milliers. Il me proposa alors qu'il avait de quoi faire oublier tous nos soucis au bord du Mississippi. C'était quelque chose que l'on faisait beaucoup durant notre jeunesse, fumer un peu d'herbe au bord du fleuve en ne pensant à rien d'autres qu'à l'instant présent. « Bien sûr que ça me tente ! » Après tout ce serait peut-être une des dernières fois où je pourrais faire ça, dans cinq mois ce serait adieu les joints car sinon Eloyce me ferait une sacrée leçon de vie et ça je voulais l'éviter. « Comme on rentrera de nuit, elles seront sans doute en train de dormir elles ne pourront pas voir qu'on a vraiment abusé. » Fis-je avec un sourire en coin.

Depuis toujours, Adam m'écoutait et je l'écoutais. C'était donnant-donnant et je n'imaginais pas une seule seconde dire à mon meilleur ami "écoute tu me gonfle avec tes histoires à la noix, passons à autre chose". jamais je ne pourrais lui dire ça pour deux raisons. Déjà parce que je le respectais trop pour lui dire une chose aussi blessante et surtout parce que sa vie m’intéressait et je ne supportais pas l'idée selon laquelle il n'était pas heureux. Et j'avais la désagréable sensation que cela bouffait le moral de mon meilleur ami. J'avais la chance de ne pas avoir de problème aussi important avec le fils de ma compagne. C'était tout de même amusant de voir que nous nous retrouvions dans des situations similaires. Chacun venait de se mettre à son compte, chacun avait une belle blonde en compagne qui avait chacune déjà un enfant. Cependant, tout ne se passait pas de la même façon, et je recommandais fortement à Adam d'en parler à Eloyce, car elle pourrait comprendre. Il suffisait d'amener le sujet avec diplomatie. Daniel avait le don d'aborder les sujets sensibles sans blesser la personne, il s'en servait souvent dans son travail quand il devait annoncer des mauvaises nouvelles à ces clients. "Tu dois lui parler lui, dis lui que tu as l'impression que Justin ne fait pas d'efforts pour s'entendre avec toi". Il fallait qu'Adam prépare son discours et qu'il soit prêt à affronter une éventuelle colère de la part de sa tendre mais la situation était plus que dramatique. Adam en avait pourtant bien besoin. L'angoisse la plus récurrente que l'on partageait c'était le retour du père naturel des enfants de nos compagnes. Julianna m'avait certifié qu'il l'avait abandonné mais tout comme Adam je ne parvenais à me sortir cette situation de l'esprit. S'il débarquait dans la vie de Julianna, et dans celle de Winston, tout changerait. J'avais peur et Adam partageait cette angoisse. Nous en parlions souvent mais pour ce soir, on avait suffisamment parler de nos familles, place maintenant à l'amusement. Nous terminions tranquillement nos bières tout en parlant boulot et famille. Adam m'avait demander si Winston m'avait posé la question fatidique et on ne pu s'empêcher de rigoler en pensant à tout ça. Les enfants étaient tout de même fantastiques et Winston en était la preuve vivante. Il n'en ratait pas une et plus d'une fois Daniel éclatait de rire quand il était en compagnie de ce petit garçon.

Une fois nos bières descendu, j'avais proposé un nouveau plan à Adam. Le bar était trop bruyant et j'avais dans la doublure de ma veste, de quoi nous faire réellement décoller et décompresser. Je savais parfaitement que le jeune homme ne pouvait pas refuser et lorsqu'il approuva l'idée, ni une ni deux, je me levais. Je lançais un billet sur la table et nous quittions le bar assez rapidement. Les rives du Mississippi se trouvait à une dizaine de minute en voiture. Je n'avais pas encore trop bu et on pris ma voiture. Encore une fois, en route, nous parlions de tout et de rien, et plus d'une fois, on manifesta notre envie de fumer un bon joint. En moins de dix minutes, nous sortions de la voiture et on se trouva un coin hyper tranquille. La nuit était tombé et seule la lune nous éclairait. Le silence paisible du fleuve était parfait. Un coin d'herbe accueilli nos fesses et commença alors un travail minutieux afin de rouler le joint. "On le charge à mort ou on fait light pour commencer ?" De toute façon, on allait rentrer à pas d'heure et nos femmes dormirait, Adam l'avait souligné un peu avant et j'étais tout à fait d'accord avec lui.

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C'était sur que Justin ne faisait pas assez d'efforts pour que l'on s'entende. Après tout j'avais bien proposé des sorties qu'il avait envoyé paître en haussant les épaules d'un air dédaigneux et restant devant la télévision pour regarder un dessin animé. A chaque fois Eloyce prenait son parti : soit il faisait trop froid, soit il était fatigué. J'allais donc faire mes promenades tout seul, comme un héros romantique solitaire. Daniel avait souvent raison et de toute manière on tombait toujours d'accord. C'était rare que l'on se bataillait pour quelque chose, dans mes souvenirs il me semblait même qu'on ne s'était jamais disputé violemment, ou si cela s'était passé on s'était réconcilié dans l'heure qui suivait. On était inséparable, donc rester des jours sans se parler à bouder dans son coin c'était infaisable. Je parlerai à Eloyce, je le disais même à mon meilleur ami que je lui en parlerai dès que l'occasion se présentait. Encore une fois, on tomba d'accord : quitter le bar pour aller dans un lieu plus calme pour terminer notre soirée. On avait bu quelques bières et on se levait. J'enfilais ma veste pendant que Daniel déposait quelques billets vers sur la table. On avait dans l'habitude de payer chacun son tour, la prochaine fois c'est moi qui sortirai le porte feuille. On était sorti rapidement de l'établissement se faufilant parmi les clients qui commençaient à boire de plus en plus et à hurler pour un rien. Loin de ce bruit on pourrait trouver l'apaisement, et pour cela rien ne valait mieux que les rives du Mississippi. C'était notre endroit par excellence. On y avait passé énormément de temps et chaque recoin était gorgé de souvenirs. On n'avait pas mis longtemps à y arriver. A peine le moteur était coupé que je descendis de la voiture pour respirer l'air frais. De la neige avait tenue aux abords du Mississippi et on pouvait le dire : c'était un chouette paysage.

A travers la neige on pouvait distingué un coin d'herbe pas encore tout à fait geler et on décida de poser nos fesses ici. Daniel sortit l'attirail, si Eloyce me voyait elle me frapperait derrière la tête en disant que je n'étais qu'un imbécile, mais à cet instant précis je m'en moquais. Il me posa une question et je fis un sourire : « Comme tu le souhaites, saches juste que demain toi tu trifouilles les dents des gens et je ne pense pas qu'ils seraient contents si tu leur arracherais une dent par mégarde et moi je dois voir des clients et je ne pense pas qu'ils aimeraient une maison en pain d'épices. » Je posa mon regard sur la rive en rigolant. Ce serait assez comique que l'on aille déchirer au travail mais je ne pensais pas que l'on remettrait les pieds de sitôt par la suite. Ce paysage était ancré dans mes souvenirs et je ne pus m'empêcher de le montrer à Daniel. « Tu te rappelles quand on séchait les cours au lycée pour venir squatter ici ? Je crois qu'une fois t'avais même failli tomber dans le fleuve tellement tu ne regardais pas où tu mettais les pieds. » J'avais un grand sourire sur les lèvres. Ici c'était le bonheur, rien que ça.

Je ne portais pas spécialement Eloyce dans mon cœur. Elle était toujours du genre a être assez froide avec moi simplement parce que je sortais avec son compagnon et qu'on rentrait - de temps en temps- complètement bourré. Et avec tout ce que me racontait Adam par rapport à Justin, je ne pouvais m'empêcher de penser que Eloyce devrait faire des efforts, essayer de comprendre, de parler à son fils, lui expliquer qu'Adam n'était pas un chien. Si je m'investissais autant en proposant tout un tas de solutions c'est parce que je ne supportais pas l'idée selon laquelle Adam pouvait ne pas être au top de son bonheur. Si nous étions si proche c'est pour tout un tas de raison. Nous avions grandit ensemble, nos parents s'étaient toujours bien entendu et Daniel était parti plus d'une fois en vacances avec la famille d'Adam et inversement. Les deux se connaissaient par cœur et c'était cela qui faisait notre force. De fil en aiguille, presque lassé de parler de nos familles et de nos vies respectives, on décida de quitter le bar et de retourner aux sources. Nos sources, elles étaient simples, un petit endroit posé face au fleuve le plus long des États-Unis. Notre Mississippi. Nous avions grandit ici avec Adam alors forcément, chaque recoins de cette ville était gorgé de souvenirs et surtout les rives du Mississippi. L'hiver, c'était encore plus beau. La neige recouvrait ça et là les bords du fleuve, le paysage blanc, éclairé par la lune, brillait, scintillait et l'eau statique reflétait la lune et les étoiles. On avait beau avec passé l'âge de l'enfance - depuis longtemps - un paysage aussi beau nous coupait toujours le souffle. Après avoir posé nos fesses, regarder le paysage dans le silence, je brisais le silence de nos gestes en attrapant dans ma veste de quoi faire un joli tarot. Julianna ne savait pas que cette veste là était sujette au transport de cannabis, il ne valait mieux pas, car Julianna était trois fois pire que les policiers en terme de drogue.

Pour moi, ce n'était pas un drame. Notre consommation était rare, mais elle existait certes. On ne faisait de mal à personne, on se détendait juste de temps en temps. Je lui avais demandé si je chargeais le joint ou non et la réponse d'Adam me fit éclater de rire. "Je crois que le message est reçu!". Il est vrai que nous avions maintenant des responsabilité. Adam avait beaucoup de travail, il devait être efficace et proposer les meilleures idées rapidement à des clients exigeants et quant à moi, j'avais les dents de personne entre les mains et je devais essayer de les soigner au mieux. C'était finit le temps où nous pouvions nous déglinguer l'esprit sans se soucier du lendemain. Maintenant, nous étions des hommes. Pendant que je roulais le joint avec agilité, Adam ressassa de vieux souvenirs et je ne put n'empêcher de lâcher un petit rire. C'est vrai que le fleuve était un endroit rempli de souvenir et il ne me tarda pas d'en trouver un autre, qui cette fois ci, ridiculisait un peu Dammy. " Et tu te souviens la fois où tu avais, par mégarde, coincé ton pied dans un terrier de renard ?" Je me souviens, je n'avais pas pu aider mon meilleur ami pendant plusieurs minutes tant je rigolais. Lui n'avait qu'une peur, que le renard lui attaque le pied, ce qui doublait mes fous-rires. Cela me faisait tellement du bien de regarder en arrière, et de partager des souvenirs aussi doux et bons.