Florence. La plus belle ville du monde... Mais la plus redoutable aussi. Florence, la ville qui a fait de moi l'homme que je suis et qui a bercé mes trois filles. Comment exprimer mon amour pour cette magnifique ville sans vous parler de la crainte qu'elle m'inspire par la même occasion? Florence m'a mis au monde mais Florence désire aussi reprendre ma vie à la manière d'une mère colérique et désireuse de se débarrasser d'un fils indigne. Comment cela a commencé? Ça a toujours été comme ça, tout simplement. J'étais un gosse de mafieux, j'ai toujours baigné dans cet univers malsain. A la base, être un mafieux à Florence, ça signifiait rendre service aux Florentins. On avait le beau rôle fût une époque... Même si nos interventions pouvaient s'avérer être musclées, nous n'étions pas plus mauvais que le Florentin lambda. Mais les siècles se sont écoulés et les hommes sont devenus de plus en plus vils, de plus en plus immoraux. Aujourd'hui, on tue, on torture, on vole. Florence a toujours été une excellente ville pour exercer tous ses péchés. Après tout, elle était qualifiée par Lorenzaccio lui-même de catin. Corruption et vice, c'était le quotidien de ma Florence et ça l'a toujours été. Sûrement l'aimais-je pour cela aussi.
« Alvaraccio! » Non, vous ne rêvez pas. J'étais aussi affublé de cet horrible suffixe "accio" tout comme ce cher Lorenzo. Qui m'appelait ainsi? Ma mère. La seule femme qui n'ait jamais réussi à dompter le voyou que je suis. « Il y a des traces de doigts partout sur mon beau bureau en verre. Qu'es-tu allé chercher dans mon bureau? » J'avais dix ans. Ma mère m'a toujours impressionné. C'était une belle femme, grande et élancée, qui savait se faire respecter et aimer. « Mamma, je te jure, ce n'est pas moi... » La sentence ne se fit pas attendre, ma mère saisit l'une de mes oreilles en se baissant devant moi histoire de me faire face. « Ton don pour me mentir est très fâcheux... Et très prometteur aussi.. Hum, peu importe. Dis-moi, Alvaraccio, mon chéri... Qu'as-tu vu que tu n'aurais pas du voir dans mon bureau? » avait-elle dit de sa voix douce et suave tout en maintenant sa prise sur mon oreille qui commençait à me lancer tant la pression qu'elle y mettait était forte. « Juste... Juste une lettre, rien d'autre, je te le promets! » Ma mère lâcha mon oreille, elle perdait patience alors je m'empressai de sortir la dite lettre de ma poche pour la lui remettre. Elle s'en saisit, proche de l'hystérie, et la survola du regard. Dans un premier temps, elle pâlit. Ensuite, elle reprit son teint hâlé habituel avant de me regarder tendrement. « Mon enfant, tu as lu cette lettre pas vrai? Bien sûr que tu l'as fait... Ne t'en fais pas, je ne t'en veux pas. J'aurais du avoir cette conversation avec toi depuis bien longtemps... Tu n'ignores pas à quel point ton père et moi occupons une place importante ici, à Florence? » Je hocha vaguement la tête et elle se mit à tout déballer. Comme ça, accroupie devant moi. J'écoutais en hochant la tête, bêtement. Mafia. Ce jour-là, j'avais appris un mot mais j'avais aussi appris que plus jamais je n'allais pouvoir me séparer de celui-ci. Mafia, mafia, mafia, avais-je longuement répété dans ma tête la nuit qui suivit cette révélation, sans pouvoir trouver un sens à ce mot. Je n'allais pourtant pas tarder à savoir ce qu'il impliquait. Mon "entrainement" commençait le lendemain, ma mère allait m'initier à toutes ces choses que je ne comprenais pas afin de m'introduire au sommet de la pyramide une fois une certaine maturité atteinte. Ce que ma mère ne savait pas à ce moment-là, c'est que j'étais l'immaturité en personne et que n'allais jamais la rendre fière. J'étais uniquement digne de mon surnom : Alvaraccio, "accio" étant un suffixe péjoratif en italien.

Camilla Manzoni. C'est marrant, je la connais depuis toujours mais je me rends compte que maintenant qu'elle est foutrement attirante. Et elle me regarde comme si j'étais Dieu sur Terre, c'est sûrement ça le plus attirant chez elle. « Mamma, elle a quel âge déjà la petite Manzoni? » Ma mère me regarda avec un air circonspect avant de me glisser qu'elle n'avait que 17 ans. C'était parfait! Jeune et innocente... Il me la fallait! Si elle est consentante -et elle le sera-, rien ne pourra m'être reproché. Sous le regard désolé de ma mère, je m'approcha de celle qui allait devenir un jour ma femme. « Que dirais-tu d'aller faire un tour? Je sais pas toi mais moi, ce genre de réunions, ça me retourne le cerveau! » Elle me sourit, timide, et acquiesça. Je n'avais plus qu'à laisser mon charme légendaire opérait et ce serait dans la poche...

21 ans. Alors quoi? Je vais être papa qu'elle me dit?! Pour le coup, c'était sacrément pas dans la poche! Non, non, non. Il en était hors de question. Ça ferait scandale, j'allais devoir l'épouser et... Je n'étais pas prêt. J'étais encore moi-même qu'un bébé! J'eus alors neuf mois pour me faire une raison et, étrangement, j'y arrivais plutôt bien. J'étais même tout excité quand Camilla perdit les eaux et le jour où mes filles sont nées fut le plus beau jour de ma vie. Certes, je n'avais pas souffert d'avoir mis au monde deux jumelles, mais surtout, je les aimais profondément. Je savais alors que j'allais tout faire pour les protéger et les choyer. Je m'empressai alors d'épouser leur mère, l'idée que mes deux petites filles chéries puissent être la honte de toute une lignée de de Luca me répugnait. Il leur fallait le meilleur. Alaska et Elena, j'étais fou d'elles. Je les aimais tellement que j'ai même fini par tomber amoureux de celle qui les a mis au monde, j'avais sûrement trop d'amour à revendre... S'ensuivit alors une troisième petite fille, la petite Carla. Pourtant, Camilla et moi n'avons pas arrêter nos magouilles. L'argent facile, l'argent sale... C'est avec cela que j'ai élevé mes filles. Peut-être que c'était le moment ou jamais pour s'en dégager. Quoi que, franchement, ce n'est jamais le bon moment pour quitter ce genre d'organisation. On était coincés. Mes filles grandirent et je sentais la menace croitre. Si mes filles étaient en danger, je répliquerais. Et c'est ce que je fis lorsque Elena se fit suivre par un homme dans la rue. Les jumelles avaient quinze ans, il était devenu évident que nous devions fuir Florence. Nous eûmes à peine le temps de dire adieu à cette dernière que nous étions déjà dans un avion en direction des États-Unis, pays de la liberté et des droits de l'Homme. Une nouvelle vie commençait pour les de Luca.

J'ai appris l'anglais avec une facilité déconcertante. Pourtant, je ne parlais qu'italien et un peu français jusqu'alors. S'intégrer ici ne fut pas trop difficile de mon côté. Avec mon accent italien, je faisais tomber les petites américaines comme des mouches. Oui, je suis terriblement amoureux de ma femme, de ma Camilla. Mais soyons honnêtes... Je ne suis pas un homme que l'on met en cage, Camilla l'a toujours su. D'autant plus que Florence me manque horriblement alors je compense. Pas qu'avec les filles... Je fume beaucoup, je bois trop. Peu importe. Je suis un quadragénaire majeur et vacciné, qui d'autre que moi peut me dicter ma conduite? Si j'étais bien comme ça, personne n'allait venir m'embêter. Surtout pas Camilla, elle m'est si dévouée!