Assis à son bureau, Clive jouait nerveusement avec une balle de tennis qu’il faisait passer d’une main à l’autre, tout en fixant sévèrement le dossier qui se trouvait devant ses yeux. Il s’agissait d’une nouvelle affaire à résoudre et pas des plus simples. De nombreux inspecteurs s’étaient creusés la tête sur ce dossier avant qu’il ne soit remis entre les mains de Clive. L’ancien militaire était considéré comme l’un des meilleurs inspecteurs de la brigade criminelle et comptait bien le prouver une fois de plus. Certains lui reprochaient de passer beaucoup trop de temps à travailler et de n’accorder que peu de temps à sa vie personnelle. C’était sans doute un peu vrai mais Clive était passionné par son boulot. Il adorait cette sensation de devoir être partout à la fois, à traquer des meurtriers jusqu’à les pousser dans leurs derniers retranchements. D’une certaine manière, on peut dire qu’il était atteint du syndrome du « super héros ». C’était sa manière à lui de se sentir utile et de combattre les injustices. Il avait ça dans le sang depuis toujours et avait tout sacrifié pour mener une telle carrière. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en était terriblement fier. Alors qu’il réfléchissait très sérieusement à la manière dont il allait pouvoir coincer sa nouvelle cible, son téléphone portable se mit à sonner. « Stanford … très bien je m’en occupe. Envoyez-moi toutes les nouvelles données par e-mail.» Quelques heures plus tôt, Clive avait compris que l’homme qu’il traquait se rendait souvent dans une petite librairie en plein cœur de Saint-Louis. Malheureusement, il n’avait pas la moindre idée de son identité. Les indices à sa portée l’avait mené jusqu’à un entrepôt désaffecté où l’homme en question semblait rassembler de nombreuses données sur ses activités ainsi qu’au sujet de ses victimes. Hélas, il semblait avoir un informateur particulièrement bien rodé qui l’avait averti de la présence des inspecteurs sur place. Il y avait fort à parier qu'il n'allait plus y remettre les pieds. Désormais, Clive devait faire avec les éléments dont il disposait. Sur place, il avait trouvé une série de photos prises à la volée. Elles étaient de très mauvaises qualité et c’est toujours la même jeune femme qui y figurait. Clive avait mis des experts sur le coup afin de pouvoir l’identifier et on venait tout juste de l’appeler pour l’informer qu’il s’agissait de la libraire, Eloyce McFly. Magnifique ! Il avait justement l’intention de faire un tour dans cette fameuse librairie afin d’en savoir davantage. Peut-être qu’elle pourrait lui fournir de plus amples informations au sujet d’un client au comportement étrange ou inhabituel. Le moindre indice pourrait être de la plus haute importance. L’homme errait toujours dans la nature et Clive redoutait à présent que la jeune femme soit sa prochaine cible. Il va de soi qu’il allait tout mettre en œuvre pour l’arrêter avant qu’il ne passe à l’acte. L’inspecteur enfila sa veste de costume et attrapa ses clés de voiture. Il sortit de son bureau avant d’apercevoir son jeune équipier, une nouvelle recrue qu’il devait former avant son admission définitive à la section criminelle. Les yeux rivés sur son écran d’ordinateur, le jeune homme semblait absorbé par ce qu’il était en train de faire. « John, je dois m’absenter un moment, je … John ? … JOHN !!» Le jeune homme sursauta avant de refermer brusquement son ordinateur portable, posé juste devant lui. Visiblement mal à l’aise, il n’osa même pas croiser le regard de Clive. « Pardon, je finissais de répondre à un mail inspecteur.» Oh c’était donc ça ?? C’était une manie chez lui de s’adonner à ce genre de distraction pendant qu’il était censé l’épauler dans son travail ? Le ton de Clive se fit soudainement beaucoup plus sévère. « Un mail ? Bah tiens justement, parlons-en de tes mails ! » S’il tenait vraiment à le mettre de mauvaise humeur, c’était précisément de cette manière qu’il fallait s’y prendre. Le jeune homme devint soudainement écarlate, réalisant que Clive était au courant de ses activités.« Co... Comment ça ?» Comment ça ? Il avait vraiment l’audace de le prendre pour un imbécile ? Quelle grossière erreur !

« Arrête John, tu pensais vraiment qu'une telle chose passerait inaperçue ? Tu sais bien que je surveille tout ici.»
« Je suis désolé inspecteur mais... vous comprenez nous ne nous voyons que …»
« VOUS COMPRENEZ ?! Tu te fiches de moi John ? T'es au boulot ici je te rappelle et toi tu envoies des mails pour le moins osés avec je ne sais quelle fille !»
« C'est ma fiancée monsieur.»
« Je ne veux rien savoir Monsieur Hartwood !!»

Quand Clive vouvoyait les membres de son équipe et en arrivait à les appeler par leur nom de famille, c’était généralement de très mauvaise augure. « Pour l’instant, je dois m’occuper d’une affaire sérieuse, mais quand je reviendrai, nous aurons une discussion pour savoir ce qu’il adviendra de votre avenir au sein de la brigade criminelle. Croyez-moi, je ne vais pas en rester là. Vous avez plutôt intérêt à être irréprochable jusqu’à mon retour. Ah ! Et si je vous revois passer encore une fois devant mon bureau pour aller prendre un café... Je n'aimerais pas être à votre place !! » Clive était un homme doté d’un tempérament relativement conciliant mais il ne fallait pas trop pousser non plus. Les membres de son équipe le savaient, il n’était pas prudent de le titiller de trop. Ainsi, Clive mit brusquement un terme à la conversation et fulminant de colère, sortit de la brigade criminelle dans le but de se rendre à la librairie. Il s’occuperait du cas de ce cher John à son retour.


Le soleil qui se déversait par les fenêtres, illuminait les poussières qui flottaient dans l’air et traçaient des barres dorées sur les murs. L’odeur de la librairie … ce mélange si particulier de bois, de papier, de cuir et de vieilles pierres ne manquait jamais de lui rappeler à quel point il détestait les vieux bouquins. A croire qu’il est véritablement possible d’être allergique à la lecture. Clive n’était pas un rat de bibliothèque mais bel et bien un homme de terrain. Il passa près de la section des ouvrages contemporains avant de se diriger vers la jeune libraire. « Mademoiselle McFly ? Je suis l’inspecteur Clive Stanford de la brigade criminelle. Je suis navré de vous importuner, mais j’enquête actuellement sur une affaire extrêmement délicate et j’aurais quelques questions à vous poser.» Dit comme ça, cela pouvait paraitre un peu abrupt et la jeune femme allait sans doute se demander de quoi il allait pouvoir l’accuser. Or, Clive tenait à la rencontrer en simple qualité de témoin. D’autant que ce qu’il avait à lui annoncer était très délicat. L’inspecteur ne pouvait cependant pas trop lui en dire concernant l’affaire, il se devait de garder une certaine réserve sur les faits. Clive balaya la librairie du regard, s’assurant qu’aucun client n’était présent et qu’il pouvait parler à sa convenance sans craindre d’être entendu. « Voilà mademoiselle, je suis actuellement à la recherche d’un homme et tout me pousse à croire qu’il est l’un de vos client réguliers. » La mine grave de l’inspecteur ne laissait vraiment rien présager de bon. Clive adoptait toujours cette expression quand il s’avait qu’une espèce d’ordure tentait de lui filer entre les doigts. Oh mais s’il pensait s’en tirer de cette manière, il faisait une grave erreur. Clive posa sur la jeune femme un regard lourd de sens avant d’enchainer. « Grâce aux éléments à notre disposition, nous avons pu remonter jusqu’à un entrepôt ayant été loué sous un faux nom. Mes hommes ont effectué des fouilles, ils ont mis la main sur plusieurs livres provenant et votre librairie et … ont également trouvé ceci. » Clive lui tendit un dossier contenant toute une série de photos la concernant. Elles étaient toutes prises de loin et relativement floues. Mais on reconnaissait très distinctement la demoiselle. C’était elle sa prochaine cible. « Mademoiselle McFly, je comprends votre inquiétude mais je vais tout faire pour que ce cauchemar s’arrête au plus vite. En attendant, je vais faire poster des agents chez vous nuit et jour afin d’assurer votre sécurité.