Le moins que l’on puisse dire c’est que le sombre passé de Clive peut aisément expliquer sa réticence à l’idée de s’exprimer au sujet de son enfance ou de son adolescence. Lorsqu’on aborde la question en sa présence, il se montre généralement très vague dans ses propos et s’empresse de détourner la conversation avec une rate habileté. Rares sont ceux qui ont eu l’occasion de l’entendre évoquer son histoire et pour cause ! Pour résumer la situation en quelques mots, parlons simplement d’un père alcoolique, criblé de dettes et ayant pour passe-temps favori de rouer de coups son fils unique pendant que sa mère enchainait les conquêtes à une vitesse phénoménale, se souciant peu du bien-être de son enfant. Voilà tout l’équilibre précaire de la famille Stanford, mieux connu à Philadelphie comme la famille aux mille et un scandales. Aucune génération ne fait exception à la règle, à croire que la connerie est un facteur génétique. Clive ne compte plus le nombre de séjours qu’il a fait à l’hôpital étant enfant suite aux « égarements » de son père. Comment doit se défendre un enfant de cinq ans lorsqu’un homme adulte et plutôt bien proportionné se sert de lui comme défouloir ? Il n’y a malheureusement rien d’autre à faire qu’attendre que ça passe, que la douleur s’estompe aussi bien d’un point de vue physique que moral, tout en se disant que d’une certaine manière, on est forcément responsable de ce qui arrive. L’enfance de Clive fut donc loin d’être exemplaire mais le jeune garçon a toujours voulu croire en un avenir meilleur. Refusant de prendre exemple sur les siens, il préférait de loin songer à un futur où il deviendrait un homme bien. L’homme qu’il aurait aimé avoir comme père, quelqu’un de droit, d’honnête, loyal et généreux. Si l’enfant qu’il était subissait les élans de colères d’un paternel ayant la main lourde sur le whisky, l’adolescent lui, s’est en revanche rebellé à maintes reprises. Jamais Clive n’a osé lever la main sur son père, sa conscience morale l’empêchant souverainement de se mettre à son niveau et de lui donner la satisfaction de pouvoir dire que son fils était son digne héritier. En revanche, Clive a toujours refusé de répondre à ses attentes et il n’est donc pas étonnant qu’il ait décidé de s’éloigner au plus vite de cet environnement hostile, d’où sa décision d’intégrer l’armée américaine dès qu’il fut en âge de s’engager. Se servir son pays fit naître en lui la sensation d’être utile et pour la première fois de sa vie, Clive se retrouva face à des hommes qu’il pouvait admirer, tout en faisant preuve de cette loyauté qui avait si cruellement fait défaut à son géniteur. C’est là que commence véritablement sa vie. Tout au moins, c’est l’impression qu’il en a. Désormais bien loin de ce père démoniaque, Clive eut le loisir de faire ses preuves dans les forces armées, avant de devenir un tireur aguerri. Le meilleur dans son domaine pour ainsi dire. Ses aptitudes à apprendre ne laissèrent personne de marbre et rapidement, ce sont des missions beaucoup plus importantes qui lui furent confiées. C’est ainsi qu’il gagna en grade au fil du temps et des années, s’affirmant comme un militaire exemplaire. Inutile de préciser que Clive fit le choix de couper définitivement les ponts avec les membres de sa famille. Un choix inévitable mais qu’il regretta quelques années plus tard en apprenant le destin tragique de ses parents, tous deux décédés dans un accident de voiture. Stanford père étant une fois de plus ivre mort.

Si Clive excellait professionnellement parlant, sa vie sentimentale elle, n’en demeurait pas moins laborieuse. Certes, il n’avait de cesse de rencontrer de sublimes créatures, toutes plus exaltantes les unes que les autres et qui venaient le divertir durant ses soirées de permission mais au final, aucune d’elles n’avait la saveur d’un véritable amour. Qu’attendaient-elles de lui si ce n’est une nuit torride ou bien quelques semaines remplies d’une tumultueuse romance à l’issue fatale ? N’allez surtout pas croire que Clive soit un coureur de jupons doublé d’un véritable bourreau des cœurs ! Disons juste que le destin n’a jamais placé LA bonne personne sur son chemin et c’est ainsi que Clive enchainait les conquêtes entre deux missions à l’armée. Militaire séduisant et séducteur, il n’avait aucun mal à trouver de la compagnie à chaque coin de rue. Avec le recul, il se doit de reconnaitre qu’il ne connaissait même pas le nom de la plupart de ces demoiselles. Et puis un jour, il y a eu CETTE fille…LA fille, celle qui changea sa vie du tout au tout. Un ange. Rose. Un prénom aussi doux qu’exaltant , divinement accordé à la personnalité de la charmante créature qui le portait. Elle vivait à quelques pas de chez lui, dans une petite maison bourgeoise, typique de St Louis et qui ne paye pas de mine. Clive la croisait souvent le matin en allant faire son footing ou bien en allant chercher son courrier. Elle était d’excellente compagnie son charmant accent anglais n’ôtait rien à son indiscutable beauté. Brune, ses longs cheveux légèrement ondulés retombaient en cascade le long de son dos. Ses yeux en amande étaient d’un vert sombre qui les rendait absolument captivants. Totalement sous le charme, Clive commença par échanger quelques mots courtois avec la belle et au fil des mois et des semaines, se lia d’amitié avec elle. Rose était une demoiselle absolument fascinante avec qui il aurait pu passer des heures entières. Seulement … elle était mariée. Voilà donc pourquoi Clive ne tenta jamais d’aller plus loin avec elle-même si ce n’est pas l’envie qui manquait. Jamais encore il n’avait autant désiré une femme, mais Clive est un homme droit à bien des égards et le mariage est une chose sacrée à ses yeux. Jamais il n’aurait fait quoi que ce soit susceptible de venir nuire à Rose ou à son époux.

Un soir, alors qu’il était tranquillement assis dans son salon en train de regarder un match de hockey à la télévision, il entendit frapper brusquement à sa porte. Les coups étaient secs et impatients. Lorsque le militaire ouvrit la porte, il découvrit un spectacle sans nom. Rose se tenait debout sous la pluie, couverte de bleus, en larmes et effrayée. Elle fut incapable de lui dire quoi que ce soit, si ce n’est qu’elle n’avait nulle part où aller. Clive la fit immédiatement entrer chez lui, avant de s’occuper de ses blessures tout en essayant de comprendre ce qui s’était passé. Rose lui affirma que ce n’était pas grave, allant même jusqu’à préciser qu’elle avait l’habitude. L’habitude de quoi ??? Clive insista pour qu’elle lui raconte toute l’histoire et c’est alors que Rose lui fit des révélations concernant son mari. Il avait l’habitude de s’en prendre à elle régulièrement. Cependant, Rose lui trouvait des excuses, affirmant qu’il ne le faisait pas exprès, qu’il était fatigué et débordé par son travail d’où son attitude parfois excessive. Elle prenait sa défense en plus ? La voir ainsi était insupportable pour Clive. Il lui affirma que non, ce n’était pas un comportement normal et dieu sait qu’il s’y connaissait sur la question. Durant de longues heures, il discuta avec Rose. Il trouva les mots pour la rassurer et apaiser ses craintes tout en lui assurant qu’elle pourrait rester chez lui aussi longtemps qu’elle le souhaitait. Après cette longue conversation, Clive décida de rendre une petite visite amicale au mari. Personne ne sait quelle fut la nature de leur échange mais toujours est-il que l’homme ne donna plus jamais signe de vie, y compris à Rose. Il quitta la ville sans ciller et Clive refuse toujours de raconter ce qu’il s’est passé ce soir-là. Quoi qu’il en soit, il s’est personnellement assuré de ne plus jamais le voir s’approcher de Rose, lui interdisant même d’essayer de prendre contact avec elle. Jamais plus il ne lui ferait le moindre mal. Non, jamais. C’est ainsi que Rose s’installa chez lui. En dépit de leur attirance mutuelle, il ne s’est jamais rien passé entre ces deux-là. Clive ne souhaitait pas la brusquer mais tout au contraire, l’aider à se reconstruire et à reprendre confiance en elle. Ainsi, il lui prêta main forte pour l’aider à ouvrir cette boutique qui lui tenait tellement à cœur et de son côté, Rose l’encouragea à aller jusqu’au bout de son rêve en intégrant la section criminelle. Partagé entre son boulot à la crim’ et ses missions dans l’armée, Clive se fit de plus en plus absent. Rose qui avait repris confiance en elle décida de s’installer dans un nouvel appartement en ville. Mëme si elle était secrètement amoureuse du beau brun, elle n’osa jamais lui avouer ce qu’elle avait sur le cœur et c’est ainsi qu’ils passèrent tous deux à côté de ce qui aurait pu être la plus belle histoire d’amour de leur vie. Le destin est ainsi fait … Cinq ans se sont écoulés depuis cette mésaventure et les sentiments de Clive pour Rose se sont dissipés au fil du temps. Toujours attachée à elle, il a malgré tout fini par se faire à l’idée qu’il n’y aurait jamais rien de plus entre eux qu’une belle et profonde amitié. Toujours célibataire, Clive rêve aujourd’hui de rencontrer la femme qui viendra bouleverser sa vie et avec qui, il pourra de nouveau donner un sens au mot « aimer ». En attendant, l’homme continue de travailler pour la section criminelle et dirige désormais une petite équipe avec qui il peut aisément se vanter de faire un excellent boulot. Considéré comme l’un des meilleurs agents, Clive n’a désormais plus rien à prouver.

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