Musique déchirante, montagne de chocolat. C’est banal à en pleurer et pour pleurer, Elena n’a aucun problème. Roulée en boule sur son lit, elle use et abuse des mouchoirs et se noie dans son infini malheur. Tomber amoureux est stupide qu’elle persistait à répéter. C’est trop douloureux. Elle aurait du s’écouter. On n’est jamais mieux servi que par soit même. Elle se détestait pour être comme ça. Pathétique à souhait. Un vrai cliché de cinéma. Tout le monde sait que la petite Elena est faible, qu’elle se cache dans l’ombre de la merveilleuse Alaska. Tout le monde sait qu’Eli c’est la petite blonde derrière qui parle peu. La fille un peu bizarre là. Mais elle se connaissait. Elle n’avait pas peur de ce qu’elle était. Une personne intelligente, vive d’esprit, attentive aux détails, et peureuse. Oui, elle avait peur. Peur de son ombre, peur de la vie. Mais elle n’avait pas pitié d’elle-même. Et c’est tout ce que lui inspirait sa position actuelle. Après un énième reniflement, elle arrêta la chaine de sa télécommande et stoppa la musique, laissant un silence bienfaiteur envahir sa chambre. Elle n’était pas un déchet. Il pouvait la jeter sans rien dire, sans autre explications qu’un rapide j’en aime une autre. Il avait tout le droit mais pas celui de la réduire à l’ombre d’elle-même. Elle pouvait être forte. Elle pouvait l’oublier. Sa résolution dura exactement trois minutes et vingt-trois secondes. Le temps qu’elle se lève, qu’elle fouille son bureau pour sortir son cahier d’histoire et tombe sur une photo d’eux. Ses yeux se remplirent inconsciemment de larmes et elle ne put rien faire pour arrêter le nouveau déluge. Ainsi l’apitoiement recommença. C’est en position fœtale que la trouva sa sœur qui s’empressa de monter sur son lit pour l’entourer de ses bras. Elle savait. Bien évidemment qu’elle savait, Eli l’avait appelé à la rescousse, comme toujours. Alaska était sa vie, son roc. Sa seule présence réduisit les larmes de moitié. C’était son tout, sa personne. (xxx)

Elena pourrait vivre aux crochets de ses parents jusqu’à la fin de sa vie mais elle ne préfère pas. Elle n’est pas aussi indépendante qu’Alaska mais tient à se trouver un but, n’importe quoi. Alors elle va à la fac. Elle étudie d’abord les lettres classiques puis décide de changer du tout au tout après sa rupture tumultueuse. Elle veut se réinventer. Certains se coupent les cheveux, Eli change de filière sans douter une seconde. Elle n’en revient pas. De l’audace du changement, de l’audace de ce choix. La criminologie. Trop de nuits à regarder Veronica Mars, Castle et Mentalist. Trop de nuits à lire Mary Higgins Clarke, à parcourir les écrits d’Harlan Coben et de découvrir qui est le tueur. Elena n’avait jamais eu quelque chose à elle jusqu’à présent. On la désignait souvent comme la sœur d’Alaska, la blonde, la de luca mais jamais on ne la nommait pour elle. Elle avait beau briller sur des patins à glace, elle n’était pas excellente. Elle lisait beaucoup mais ne faisait jamais partager son savoir. Mais ça, ça c’était son truc. Son truc à elle. Personne ne comprenait, personne ne l’avait jamais fait. C’était son truc.

(xxx) « Et la petite blonde elle a quelque chose à dire ? » C’est seulement après l’avoir rapidement copié sur son carnet qu’elle se rend compte que cette question n’a rien avoir avec ce que disait l'inspecteur. Et elle en déduisit du silence pesant qui l’entourait que c’était elle la dite blonde. Ses joues se teintèrent d’un rouge soutenu sans attendre tandis qu’elle relevait lentement la tête pour capter le regard du détective. Il haussa le sourcil en voyant qu’elle rougissait, du moins c’était la raison qui lui semblait la plus logique. Il l’invita d’un geste de la main à lui répondre et Eli du se racler la gorge après son premier mot si bas que personne ne l’avait entendu. « La montre. » Elle savait qu’aucun des stagiaires ne l’avait écouté si ce n’est elle. Elle savait qu’il avait du faire cela des milliers de fois et qu’il avait perdu la fois en l’étudiant de base, cela se voyait à la petite ride de contrariété qui s’était creusé au coin de son œil. Mais elle n’était pas n’importe qui. Elle avait écouté. Assimilé. Cherché. Et comprit. Les yeux de l'inspecteur se plissèrent à sa réponse et elle cru entrevoir une certaine lueur appréciatrice dans ses yeux, comme s’il commençait à penser qu’elle était intéressante. « La montre ? » Elena hocha la tête et repassa rapidement ses notes avant de relever les yeux. « Sur toutes les photographies, la femme porte une montre. La dernière Dior. Pourtant, elle est absente de son poignet lorsque vous la trouvez morte dans son salon. Sa tenue était tout à fait classique, pas de changement sidérant par rapport à sa garde robe donc elle aurait du porter sa montre. Pourtant, elle ne l’a pas. Donc on la lui a dérobée. J’imagine que le principal suspect se trouve être la femme de son amant qui par jalousie envers les cadeaux et l’amour qu’il lui portait à décidé de mettre un terme à sa vie. Il n’y a aucune blessure apparente, pas de piqure d’aiguille, la solution la plus logique reste le poison, utilisé principalement par les femmes puisque c’est dit moins insidieux, plus détaché. » Elle termina son exposé en affichant un petit sourire satisfait dont elle seule avait le secret. Elle était fière d’elle. Comme jamais. Ça lui plaisait. Ça lui plaisait vraiment. Plus que le patinage artistique, plus que les noëls en famille, plus que de voir son ex se vautrer dans sa nouvelle relation amoureuse. Et elle était douée. « Absolument pas. Mais le raisonnement était bon. Tu es embauchée. » Le sourire d’Elena s’effaça instantanément et son regard se perdit dans les yeux azur de l'inspecteur. Elle était quelque peu perdue. Elle n’était pas là pour un entretien d’embauche mais pour un cours magistral. C’était dément. Carrément dément. Et pas seulement parce qu’elle s’était trompée.