Blanc. Tout était blanc. Les murs étaient blancs, le sol était blanc, les blouses étaient blanches... Cette couleur me rendrait dingue, un jour. J'avançais néanmoins dans le hall, saluant d'un léger signe de tête la secrétaire qui m'interpellait, n'y prêtant pas grande attention. Je connaissais les lieux, un peu vaguement certes, mais je savais où me diriger pour trouver ce que je cherchais. Je n'étais pas un grand adepte des hôpitaux, ce lieu m'aurait fait déprimer si j'aurais dû y rester plus d'une ou deux semaines. L'odeur qui s'y dégageait me rappelait les longues soirées passés devant une télévision qui ne diffusait que quelques chaines importantes, montrant la plupart du temps des informations dont je n'avais strictement rien à faire. Soupirant légèrement, j'appelais un ascenseur, les escaliers ne me tentant pas le moins du monde. J'étais assez exténué, et pourtant, au contraire de ceux qui pouvaient m'entourer, ce n'était pas dû à mon travail, mais plutôt à une nuit blanche, qui se reflétait légèrement dans mes traits. Avançant dans l'immense ascenseur, je me retenais de sourire en apercevant le regard un peu interloqué du jeune brancardier. J'avais déjà mis les pieds ici, pour des raisons diverses, bien que ce fut le plus souvent pour une dispute qui s'était mal déroulée. Barman, je connaissais les bagarres de comptoir, et avais participé à plus d'une, volontaire ou non. Les jeunes ayant un coup dans le nez n'étaient pas réputé pour être tendre. J'en étais que plus informé étant donné que dans ma jeunesse, il m'était arrivé de me comporter exactement pareil. Je crois que si mon "ami de prison" n'aurait pas été là, je serais encore à écumer les bars dans le but de me divertir, finissant complètement saoul dans les bras d'une inconnue, avec les mains ensanglantées dû à une bagarre que j'aurais certainement provoquée. Bien qu'il m'arrivait de faire la tournée des bars en compagnie de Perceval, ou bien de redevenir un véritable adolescent en sa présence, je n'étais plus le même. Non, j'avais acquis une certaine maturité et un savoir qui m'avait été donné à travers un homme de confiance, bien plus âgé que moi.

A la pensée de mon ami, toujours coincé derrière les barreaux, j'esquissais un léger sourire. Sourire qui devait bien semblé légèrement suspect, étant donné le léger mouvement de recule du jeune brancardier. Levant les yeux au ciel, je le laissais descendre quelques secondes plus tard, avant de le faire à mon tour. Quelques brides de discussions par-ci et là me parvenaient, mais bien trop brèves pour que je puisse comprendre quoique ce soit. Ne discernant que très mal les voix des personnes en question, j'avais bifurqué à droite, un peu aléatoirement. Bon, j'étais déjà venu ici, mais il fallait dire que mon sens de l'orientation me lâchait complètement lorsque j'étais entouré de ces murs à la couleur déroutante, mais étrangement apaisante. Cherchant un peu au hasard, je manquais de rentrer dans une chambre d'un patient lorsqu'une voix plus familière parvenait à mes oreilles. Ah, enfin ! Un sourire, plus franc et plus sincère, se dessinait sur mes lèvres alors que j'entreprenais de rejoindre la dite voix. Une dernière bifurcation au détour d'un couloir, et je voyais enfin ce que j'étais venu chercher. Non pas un objet, ni même des affaires personnelles, mais bel et bien une personne, qui me fit rater un léger battement de cœur lorsque je la vis sourire. Une jolie jeune femme, aux longs cheveux bruns retenus en une queue de cheval. N'ayant même pas eu conscience d'avoir arrêté ma lente marche, je la reprenais, laissant la jeune femme en question finir une brève discussion avec une autre personne. Une fois fait, je sautais sur l'opportunité de ne pas être dans son champ de vision pour la surprendre, posant alors mes mains sur ses yeux. « Ceci est un enlèvement, pas de panique. Vous êtes prié de me suivre sans poser de question » Un sourire amusé se dessinait sur mes lèvres alors que j'abaissais mes mains, la laissant se retourner face à moi. Maxime était l'une des rares personnes avec qui je me sentais assez bien pour ne pas réfléchir une seule seconde à ce que je devais faire, ou bien dire. Elle était unique, et très chère à mon cœur.

La vie d'interne en chirurgie est pleines de rebondissements. En effet, une journée ne ressemble jamais à la précédente. Cela faisait trente six heures que j'étais à l'hôpital. Une fois de plus je fuyais la maison. Je n'avais aucune envie de croiser l'une de mes soeurs. Elles étaient toujours là à m'épier, attendant la prochaine grosse bêtise de Maxime House. Oui, je partais en vrille. J'en étais consciente et je n'en étais pas fière, mais ici j'étais quelqu'un. La meilleure interne en chirurgie. J'avais le respect de mes pairs et mes supérieurs étaient contents de moi. Et quand j'étais dans l'enceinte de l'hôpital, plus rien n'avait d'importance. Ni mes problèmes d'alcool, en tout cas mon incapacité à sortir sans prendre une cuite, ni mes autres petits vices. Par exemple, je ne fume une cigarette qu'en soirée. La journée, je suis une toute autre personne. Une personne respectable, qui n'a pas à rougir de ses agissements. Bon, il est vrai que j'entretiens une relation plus que professionnelle, avec un autre interne. Mais ça ne compte pas. Et puis, vous savez comment ça se passe dans les hôpitaux. Et je ne suis pas la pire dans ce cas là. Cinq minutes, j'avais enfin eu cinq minutes de répit, le temps pour moi de prendre un café à la machine, et voilà que mon bippeur s'emballait à nouveau. Je courrais vers le bloc numéro trois. Et me revoilà parti pour quatre heures d'intervention à haute tension. Quatre heures plus tard, je sortais, épuisée, mais satisfaite. Nous avions sauvé la vie du patient. Un bref débrief avec mon titulaire, puis il repartait déjà pour une autre intervention. Moi, je soufflais. J'avais envie de dormir, et mon corps tout entier me faisait souffrir. Mais ma garde n'étais pas terminée. Et oui, je ne peux pas me plaindre. C'est moi qui ai choisis de vivre dans cet hôpital. Soudain, je sentie deux mains sur mes yeux, et j'entendis la douce voix de Josh. Un large sourire se dessina sur mon visage et je lui fis face. Tu vas bien ? J'aimais beaucoup Josh, c'est sans doute pour cela que je lui avais posé la question une pointe d'angoisse dans la voix. En général on ne vient pas à l'hôpital sans raison. Quoi que. Josh était sans doute là pour moi. Je t'offres un café ? Je fis une grimace et pris un air désolé, le café de la cafétéria de l'hôpital était vraiment mauvais. Et Josh le savait bien. En tout cas, ça me fait plaisir de te voir. Je lui jetais un regard tout en replaçant une mèche de cheveux derrière l'oreille.