LONDRES ─ il y 23 ans

La famille Colt venait de s’agrandir d’un membre supplémentaire : moi. London Seven. Je suis née après deux garçons, mes deux grands-frères : Henry et James. Il ne me reste peu de souvenir de l’Angleterre, pourtant, lorsque je parle de Londres et de ma vie là-bas, je ne ressens que du bonheur. Mes parents étaient de purs anglais, ils avaient d’abord l’intention de nous élever à Londres, de nous inculquer les traditions anglaises. Alors que mon père voyait déjà ses deux fils dans une équipe de rugby, ma mère souhaitant me voir entrer dans le monde de la classe et de la grâce. Elle me parlait du bal des débutantes, je me souviens d’un livre qu’elle me lisait souvent le soir dans lequel étaient énumérées toutes les règles à respecter lors de ce bal. J’étais jeune, pour moi, le bal des débutantes était un rêve, une occasion de pouvoir porter une belle robe, de danser au bras d’un cavalier galant et prévenant, un peu comme dans les contes de fées.
Cependant, les envies de mes parents ainsi que les rêves de mes frères et moi furent brisés le jour où notre père nous annonça que nous devions déménager. Je ne garde qu’un souvenir un peu flou de cet instant. Alors que nous pensions devoir simplement quitter Londres, un murmure de désapprobation se leva lorsque l’on finit par comprendre que nous allions carrément devoir quitter le pays pour aller vivre aux Etats-Unis. L’entreprise de mon père avait racheté plusieurs filiales là-bas dont il avait la charge, son employeur l’avait donc tout simplement muté, lui annonçant qu’il serait alors très bien rémunéré.
A cet instant, ma mère chassa les larmes de ses yeux pour prendre Henry dans ses bras alors qu’il était carrément en pleurs. Il hurlait qu’il ne souhaitait pas quitter ses amis, qu’il aimait sa vie à Londres. Je suis sûrement celle qui a été le moins touchée par ce déménagement, j’étais encore bien trop jeune pour comprendre ce que je laissais derrière moi… Finalement, je ne remettrai jamais les pieds à Londres, ne gardant comme seul souvenir de ma ville natale, mon premier prénom...


MICHIGAN (dans un petit village près de Détroit) – quelques années plus tard…

C’est dans cette ville que j’ai grandi, que je suis devenue la femme que je suis aujourd’hui. Si l’on m’avait un jour révélé la personne que je deviendrai, je crois que je n’en aurai pas cru un mot. Quand je suis arrivée ici, j’étais une enfant plutôt sage, calme et discrète. A l’école, je ne parlais pas beaucoup, mais j’avais déjà réussi à me faire des amis. Mon accent anglais m’aidait à m’intégrer, cela me donnait un capital sympathie auprès des autres enfants. Je me dis que j’aurai pu devenir une de ces filles populaires en grandissant, toujours entourées par des dizaines de personne, prétendantes pour devenir la reine du bal de promo et capitaine des cheerleaders du lycée, mais une rencontre m’emmènera sur d’autres voies.
Maëlys Alexis Gallagher. Voilà ce qui chamboulera ma vie à tout jamais. Cette petite tornade blonde est entrée dans ma vie pour chambouler mon destin. Nous avions à peine trois ou quatre ans lorsque nous nous sommes adressé la parole pour la première fois. Je ne comprenais pas pourquoi les autres enfants ne voulaient pas parler avec elle. Elle était très souvent seule, dans son coin, pourtant, je remarquais qu’elle était toujours très souriante, pleine de vie et enthousiaste pour tout. Son caractère m’intriguait particulièrement, je la trouvais différente des autres, différente dans le bon sens. Alors, pour l’une des premières et seules fois de ma vie, je suis allée vers elle pour discuter et jouer en sa compagnie. Peu à peu, nous sommes devenues inséparables. C’était Alexis et Seven contre le reste du monde. Oui, oui, Alexis ! Je suis la seule à l’appeler par son second prénom, c’est une sorte de petit jeu entre nous, une preuve de notre complicité, de ce lien si fort qui s’était tissé entre nous.
En parallèle, ma famille devait faire face aux crises d’adolescences d’Henry. Les tensions étaient bien là, provoquant d’énormes disputes entre les parents et Henry, mais également entre Henry et James. Je me trouvais au milieu de tout cela, ce qui me perturbait pas mal. J’étais assez grande pour comprendre que les disputes étaient sérieuses, mais je ne saissisais pas encore la raison de toutes ces disputes. Depuis que la famille était arrivée aux Etats-Unis, tout semblait s’effondrer autour de nous, même mon père avait des difficultés avec son travail. Et cela ne fera qu’empirer avec le temps…



Puis, arriva la période du lycée. Les difficultés financières de la famille s’étaient aggravées, nous obligeant à baisser notre niveau de vie. Si James avait quitté le foyer familial pour partir à l’université à l’aide d’une bourse, Henry était encore chez les parents puisqu’il étudiait tout près d’ici. Je m’entendais plutôt bien avec mes parents, mais les relations que j’entretenais avec Henry n’étaient pas au beau fixe. En plus de me traiter comme une enfant que je n’étais plus, il osait commenter et juger mes relations. Il n’aimait pas Mae, n’aimait pas sa sexualité, trouvant que c’était contraire à tout. Henry se revendiquait très croyant, mais, s’il pouvait berner mes parents, il ne pouvait le faire avec moi. Henry rejetait la bisexualité de Mae, la jugeant sur ce qu’elle était alors qu’il sortait et couchait avec de nombreuses femmes. Je le trouvais hypocrite mais préférais me taire, trouvant que la situation était déjà assez bien compliquée à la maison sans en rajouter.
Les choses n’étaient pas plus faciles au lycée. Si Maëlys assumait ce qu’elle était, peu d’élèves l’acceptaient. Elle devait faire face à de nombreuses insultes et critiques. Tout le monde la prenait pour une folle totalement délurée, ce qu’elle était bien sûr, mais pas de la manière dont ils le voyaient. Mae n’était pas que cela. C’était aussi un cœur, une âme, des sentiments. A chaque insulte, je voyais dans ses yeux que son cœur se brisait encore un peu plus chaque jour. Elle n’avait pas besoin de me le dire, je le voyais, le ressentais. Et puis, certains gestes la trahissaient. Particulièrement quand elle me prenait soudainement dans ses bras en me demandant de la serrer fort contre moi, elle ressentait le besoin d’être réconfortée, peut-être même rassurée ? Et je le faisais avec grand plaisir. Pourquoi ? Parce que cela faisait longtemps que je m’étais rendue compte qu’il n’y avait qu’elle qui hantait mes pensées ! Je détestais la voir dans les bras d’une autre personne, que ce soit fille ou garçon. C’était peut-être un peu fou mais elle m’appartenait, elle était à moi. Mais c’était difficile pour moi de lui avouer ce que je ressentais pour elle. Maëlys n’avait jamais eu un élan amoureux envers moi, elle ne me voyait que comme sa meilleure amie, alors, je ne pouvais me résoudre à risquer de la perdre. Je taisais donc mes sentiments, la laissant vivre sa vie amoureuse en espérant secrètement qu’elle finirait par ouvrir les yeux sur moi, pendant que de mon côté, je n’ai connu que quelques relations amoureuses sans qu’elles ne durent jamais bien longtemps.
Et puis, il y a eu cette altercation pendant le repas du midi. J’étais assise avec Mae à une table de la cantine du lycée, nous discutions tranquillement lorsque l’une de ces poufs qui se prend pour le centre du monde s’était approchée de nous. Elle renversa le contenu de son plateau sur Mae, un grand sourire sur les lèvres, apparemment satisfaite de s’attaquer à elle. Dans un bond, je me suis mise sur mes jambes avant de sauter sur la pouf et la faire tomber en lui assénant des coups au visage. Ce sera la voix de Mae qui me ramènera à la réalité, me terrifiant lorsque je me rendis compte que j’avais presque défigurée la fille. J’ai fuis le lycée pour trouver refuge chez moi, effrayée par ce que je venais de faire. Une petite heure plus tard, Mae me rejoignit, se faufilant dans ma chambre pour me réconforter. Elle ne dit pas un seul mot, attrapant seulement mes mains abîmées à cause des coups que j’avais donné, les serrant entre les siennes. Dans un élan sorti de nulle part, je me suis emparée de ses lèvres, y déposant un tendre baiser, mais Henry fit son entrée dans ma chambre à cet instant. Le dégout que je pu lire dans ses yeux me blessa au plus profond de mon être. Se sentir rejetée par sa propre famille était particulièrement destructeur. Il nous traita de monstre avant de claquer la porte derrière lui. Posant de nouveau mon regard sur Maëlys, je m’attendais à trouver une toute autre expression sur son visage qu’un sourire. Elle se mit alors à débiter phrase sur phrase, me parlant de New-York, de quitter cette ville pour aller refaire nos vies ailleurs, c’était confus et pourtant, j’ai dit oui immédiatement. Que voulez-vous, je la suivrai au bout du monde… Trois jours plus tard, mes valises étaient faites, et nous étions dans le bus en direction de la grosse pomme. Je tenais sa main, j’avais besoin de la sentir à mes côtés car c’était la première fois que je quittais ma famille. Je faisais une croix sur ce que j’avais toujours connu pour partir à l’aventure à ses côtés, n’imaginant pas ce qui m’attendait là-bas.



A New-York, les choses n’étaient pas tout le temps roses, mais plus le temps passait, et plus j’étais persuadée que notre départ était une bonne chose. Maëlys et moi étions installées dans un minuscule appartement miteux qui nous coûtait cependant un bras. Alors que Mae courait les castings pour devenir actrice, je tentais de mon côté de trouver un petit job de photographe dans un journal ou même dans un studio, mais il n’y avait rien à faire, sans expérience, mon CV ne semblait intéresser personne. Je commençais à désespérer lorsqu’un agent s’approcha de moi et me proposa de participer à un shoot plus tard dans l’après-midi. Ma carrière de mannequin était lancée. Si cela me plaisait guère de passer de l’autre côté de l’appareil photo, les cachets que je touchais nous aidait à payer le loyer ainsi que la nourriture. Notre vie était légèrement décousue mais elle me plaisait comme cela, nous étions libres d’être exactement celles que nous voulions. Enfin presque… Mae était toujours la même, sortant avec des hommes comme des femmes sans plus jamais entendre une seule insulte à son égard. C’était apaisant pour elle comme pour moi. Cependant, j’étais toujours aussi coincée avec mes sentiments à l’égard de ma meilleure amie. Nous n’avions pas reparlé de ce baiser échangé juste avant notre départ, je la laissais donc vivre sa vie comme elle l’entendait, cependant, je ne pouvais plus faire semblant. A partir de notre arrivée à New-York, je n’ai plus eu aucune relation amoureuse. Ce n’était pas les tentations qui manquaient, avec l’aide de mon travail, je rencontrais des jeunes gens particulièrement séduisants, mais aucun n’accrochait mon regard, aucun ne m’intéressait car il n’y avait qu’elle. Elle prenait toute la place dans mon cœur.

Alors forcément, lorsque Maëlys m’annonça qu’elle entretenait une relation plus ou moins suivie avec un homme, je sentis mon cœur se briser. Je n’arrivais pas à lui en vouloir, mais je maudissais cet homme avec qui elle passait de plus en plus de temps. Je détestais aller me coucher en la sachant avec lui, mais j’étais impuissante face à la situation. Je gardais ma rancœur envers celui qui devint son petit ami pour moi. J’étais heureuse pour elle, Mae avait trouvé quelqu’un qui semblait l’accepter pour ce qu’elle était et lorsqu’elle me parlait de lui, il semblait être un homme fait pour elle. Il était aussi fougueux qu’elle, vivant la vie à 200%, forcément, ils étaient sur la même longueur d’ondes. Elle m’appelait souvent pour me prévenir qu’ils avaient envie de partir plusieurs jours quelque part sans avoir rien prévu. Je ne comptais plus le nombre de week-end passés seule en compagnie de mon pot de glace devant la télévision.
Puis, elle décida qu’elle était avec lui depuis assez longtemps pour me présenter à lui. Je n’étais franchement pas emballée par l’idée mais je ne voulais pas la décevoir, alors, j’ai accepté de rencontrer Maxence dans leur bar préféré. Ce fut une rencontre très… particulière. Lorsque j’ai croisé le regard de Maxence, mon cœur s’est accéléré, j’ai d’abord mit cela sur le fait que j’avais envie de l’étriper, et puis, je me suis rapidement rendue compte qu’il était drôle, amusant et franchement séduisant. Ce qui me dérangeait, c’était de voir qu’à chaque fois qu’il la prenait dans ses bras, je mourrais d’envie d’être à sa place. Ce n’était pas mon genre d’être envieuse de la sorte, surtout du copain d’une amie. Je me sentais déstabilisée, Maxence me souriait et je ne pouvais m’empêcher de sourire en retour.
Ce petit manège durera plusieurs mois, Maxence et moi devenions de plus en plus proche sans que je ne m’en rende compte. Je m’étais tellement répétée qu’il était le copain de Maëlys que je ne voyais pas que l’amitié s’était peu à peu transformée en amour. J’étais heureuse de les savoir ensemble car ils s’apportaient du bonheur et un certain équilibre et voir les gens que l’on aime heureux, cela nous rend heureux. Sans mentir, je me sentais parfois un peu seule lorsque je les voyais s’embrasser, j’avais presque envie de faire partie de leur histoire mais c’était totalement ridicule. J’aurai presque pu ne jamais me rendre compte de ce que je ressentais réellement si Maëlys n’était pas venue me parler de Maxence, m’annonçant qu’elle se rendait bien compte qu’il y avait quelque chose entre nous, ce que j’ai immédiatement réfuté mais elle me cité de nombreux exemples qui prouvaient que nous étions très complices, elle était persuadée que Maxence était tombé sous mon charme, mais ce qu’elle ajouta me gêna encore plus. Mae était persuadée qu’il était aussi amoureux d’elle que de moi. C’était impossible ! Et pourtant… La tornade blonde allait encore faire des siennes.



Maëlys décida de mettre Maxence devant le fait accompli. Elle nous réunit donc tous les trois sans que lui ni moi ne soyons au courant de ses projets. Quel effet de surprise ! Maxence n’en revenait pas ! Mae lui demandait cash s’il avait des sentiments pour moi. Il était sans voix, je me tortillais sur mon siège. Mais à quoi jouait-elle ? Je fus cependant encore plus surprise lorsque j’entendis Maxence avouer que c’était bien le cas. Les yeux grands écarquillés, je trouvais la situation totalement irréaliste. Il s’empêcha de préciser tout de même qu’il était toujours aussi fou amoureux de Mae. Il ne semblait y avoir qu’une seule solution, que je les laisse tous les deux, après tout, je n’avais rien demandé, Maëlys et Maxence se connaissaient depuis bien trop longtemps pour que je sois la cause de leur séparation, j’étais donc sur le point de me lever pour partir, mais Mae me cloua sur ma chaise avec sa solution miracle. Un couple à trois ! C’était nous deux ou rien du tout. D’abord scotchée et interdite, j’avais finalement l’espoir que Maxence puisse accepter une telle proposition. Cependant, il ne semblait pas aussi emballé par l’idée que pouvait l’être Maëlys. Il partit pour ne plus donner de nouvelle.
Ce sera le sujet de notre première dispute. J’en voulais à Maëlys d’avoir posé un tel ultimatum sans m’en parler au préalable, nous avions alors toutes les deux perdus l’homme que nous aimions, et c’était beaucoup plus douloureux que j’aurai pu le penser. C’était bien la première fois que nous élevions la voix l’une sur l’autre, je devais prendre mes distances. Jetant quelques affaires dans mon sac, j’ai quitté l’appartement et Maëlys en trouvant refuge chez une de mes amis mannequins. J’avais besoin de faire le point dans ma vie, dans mes pensées, dans mes sentiments…

Je n’ai tenu qu’une petite semaine, retournant à l’appartement un soir pour y trouver une Maëlys qui semblait plus triste qu’elle ne le laissait transparaitre. Nous sommes tombées dans les bras l’une de l’autre, sans elle dans ma vie, je me sentais beaucoup trop perdue, perdre Maxence était déjà bien trop difficile, alors je ne pouvais faire une croix sur elle. Décidées à ne pas s’apitoyer sur notre sort, nous avons tentées de passer à autre chose. Notre amitié était intacte, mais Maëlys comme moi ressentions un lourd vide dans notre vie. Ce fut donc dans le but d’oublier notre peine que nous nous sommes décidées à organier une énorme fiesta chez nous. Alcool, beaux mecs, filles sexy, il y avait de quoi occuper nos pensées. Jusqu’à ce que quelqu’un sonne à la porte. Les mains occupées par des bols remplis de nourritures, ce fut Mae qui alla ouvrir. Après avoir resservi plusieurs invités, je me suis étonnée de ne pas voir ma belle blonde revenir. Quelle ne fut pas ma surprise la découvrir en train d’embrasser Maxence sur le pas de la porte. Il était de retour, il était bien là, toujours aussi charmant que d’habitude. Lorsqu’ils se rendirent compte de ma présence, ils échangèrent un sourire avant que Maxence vienne m’embrasser à son tour. Ce sera le début de notre trio.

Aujourd’hui, Maëlys, Maxence et moi venons d’emménager dans notre tout nouveau nid douillet. La vie de couple n’est pas tous les jours simples, nous avons chacun nos craintes quant aux autres. Dans mon cas, je redoute que Maëlys et Maxence se rendent compte qu’ils n’ont pas besoin de moi avec eux, que je suis plus un boulet qu’autre chose dans leur relation. Ils sont si similaires dans leur manière d’être que j’ai parfois l’impression d’être de trop. Et puis, il faut faire face aux regards des autres, à la famille de Maxence, ce n’est pas toujours simple.
Et puis, je n’ai toujours pas avoué mes sentiments à Maëlys qui se sont renforcés avec le temps. Je suis tombée amoureuse d’elle au lycée et je sais que rien ne pourrait changer cela. Cependant, je crains toujours sa réaction mais également celle de Maxence…